[nouvelle] Au-delà
Posté: 16 Mar 2005 14:40
Bon, je me lance. Voici une nouvelle que j'ai écrite il y a cinq ans. Elle a été publiée dans l'anthologie [url=http://www.actusf.com/SF/articles/Esprit_Mutants.htm][b]Esprits Mutants[/b][/url], alors qu'elle était encore loin d'être aboutie. Elle a été rédigée lors de l'un des ateliers d'écriture organisés par l'association [url=http://www.anneau-monde.com/][b]Présences d'Esprits[/b][/url]. Je me suis dit récemment qu'il y avait peut-être moyen de la retravailler à nouveau pour en faire quelque chose... alors, quels en sont, pour vous, les défauts majeurs? Lâchez-vous! :D
[size=150]Au-delà[/size]
[i]Le vide. Simplement, tranquillement, le vide de la conscience qui s’estompe, ne laissant qu’une fine trace de réalité. Mon âme s’élève, s’évapore, dégagée des contraintes de ce monde, puis, lorsqu’enfin le corps n’est plus qu’une évanescence lointaine, un affleurement externe s’immisce en moi, comme la sonnerie du réveil qui vous tire sans ménagement de votre plus beau rêve, et ma pensée retombe, pour s’enliser une fois de plus dans un réel bourbeux. Déception.
Cela fait six mois que je vis dans ce squatt oublié, cherchant encore et encore à atteindre l’espace intérieur de mon esprit – et toujours l’extérieur me rattrape comme un parasite.
Lentement mes sens s’éveillent et la torpeur de l’ici-maintenant me gagne irrémédiablement. L’odeur, d’abord. Une odeur fade, nauséabonde, celle de la moisissure des plinthes ; l’odeur fanée de mes souvenirs.
Mes souvenirs ? Cette cacophonie rampante et chaotique de la vie d’autrefois fait-elle encore réellement partie de moi ? Doutes, comme toujours. Nous étions trois, à l’époque, trois vieux amis lassés de la médiocrité de leur existence : six mois auparavant, Joshuah, Catherine et moi-même avons tenté de vivre une expérience, la plus folle des expériences, et pourtant si évidente...
Faiblement j’ouvre les yeux : Joshuah et Catherine, tous deux assis en tailleurs contre le mur sale de l’appartement, l’échine courbée, ne se préoccupent plus de moi. Ensemble, nous tentons de trouver l’absolu, l’idéal que la drogue même ne permet pas d’atteindre : le vide, tout simplement.
Avez-vous déjà essayé de créer ce vide à l’intérieur de vous, si apaisant, et pourtant si terrifiant ? S’extirper de son corps, pouvoir – non, savoir – se détacher totalement de la faim, de la soif, de la douleur, cheminer vers un au-delà... Au-delà ? Mais qu’y a-t-il exactement au-delà ? Le vide, seulement, ou bien la plénitude de la connaissance ? Cela, nous espérions le découvrir lorsque nos vies n’étaient encore qu’une longue envolée de fêtes et d’oublis… trois personnes libres, perdues dans la société, trois personnes prêtes à l’impossible pour s’accrocher à leurs rêves.
Catherine a « décollé » il y a deux mois, Joshuah quelques semaines. Le flou de ma vision me permet à peine de saisir les silhouettes fines et limpides de mes deux compagnons. Qu’ont-ils trouvé ? La question s’insinue dans ma tête tandis que mon regard hésitant se pose sur une tache imprécise, là, sur la joue de Catherine. Un insecte, ou bien un simple grain de beauté ?
Mon esprit est trop faible pour trouver la réponse, et je plonge une nouvelle fois dans l’inconscience de mon introspection. Trop tard. La curiosité s’est immiscée en moi, imperceptiblement ; assez toutefois pour provoquer dans mon être une dichotomie insoutenable, comme une feuille de papier que l’on déchire en deux. Comment résoudre cela ?
Bientôt il me faut ouvrir de nouveau les yeux, entreprise si douloureuse qu’elle m’arrache un hurlement intérieur.
Le mur, toujours. Et devant lui, les ombres indistinctes de deux êtres humains qui n’ont plus rien d’humain. Plus rien d’humain ? Tic, de nouveau. Mon esprit s’efforce de saisir l’insaisissable, ce petit quelque chose qui me titille et qui me gêne, et que je ne sais définir.
Qu’est-ce qui cloche ? L’odeur, de plus en plus prégnante, de plus en plus sensible, ou bien ces yeux vitreux qui me contemplent sans me voir… qui me contemplent...
Ma conscience soudain se réveille, une suffocation me saisit tandis que mon être entier se tend vers un au-secours désespéré, pressé par une lucidité terrifiante.
Cette tache sur la joue de Catherine, qui rampe progressivement vers son oreille droite et s’y enfonce nonchalamment, c’est un ver...[/i]
[size=150]Au-delà[/size]
[i]Le vide. Simplement, tranquillement, le vide de la conscience qui s’estompe, ne laissant qu’une fine trace de réalité. Mon âme s’élève, s’évapore, dégagée des contraintes de ce monde, puis, lorsqu’enfin le corps n’est plus qu’une évanescence lointaine, un affleurement externe s’immisce en moi, comme la sonnerie du réveil qui vous tire sans ménagement de votre plus beau rêve, et ma pensée retombe, pour s’enliser une fois de plus dans un réel bourbeux. Déception.
Cela fait six mois que je vis dans ce squatt oublié, cherchant encore et encore à atteindre l’espace intérieur de mon esprit – et toujours l’extérieur me rattrape comme un parasite.
Lentement mes sens s’éveillent et la torpeur de l’ici-maintenant me gagne irrémédiablement. L’odeur, d’abord. Une odeur fade, nauséabonde, celle de la moisissure des plinthes ; l’odeur fanée de mes souvenirs.
Mes souvenirs ? Cette cacophonie rampante et chaotique de la vie d’autrefois fait-elle encore réellement partie de moi ? Doutes, comme toujours. Nous étions trois, à l’époque, trois vieux amis lassés de la médiocrité de leur existence : six mois auparavant, Joshuah, Catherine et moi-même avons tenté de vivre une expérience, la plus folle des expériences, et pourtant si évidente...
Faiblement j’ouvre les yeux : Joshuah et Catherine, tous deux assis en tailleurs contre le mur sale de l’appartement, l’échine courbée, ne se préoccupent plus de moi. Ensemble, nous tentons de trouver l’absolu, l’idéal que la drogue même ne permet pas d’atteindre : le vide, tout simplement.
Avez-vous déjà essayé de créer ce vide à l’intérieur de vous, si apaisant, et pourtant si terrifiant ? S’extirper de son corps, pouvoir – non, savoir – se détacher totalement de la faim, de la soif, de la douleur, cheminer vers un au-delà... Au-delà ? Mais qu’y a-t-il exactement au-delà ? Le vide, seulement, ou bien la plénitude de la connaissance ? Cela, nous espérions le découvrir lorsque nos vies n’étaient encore qu’une longue envolée de fêtes et d’oublis… trois personnes libres, perdues dans la société, trois personnes prêtes à l’impossible pour s’accrocher à leurs rêves.
Catherine a « décollé » il y a deux mois, Joshuah quelques semaines. Le flou de ma vision me permet à peine de saisir les silhouettes fines et limpides de mes deux compagnons. Qu’ont-ils trouvé ? La question s’insinue dans ma tête tandis que mon regard hésitant se pose sur une tache imprécise, là, sur la joue de Catherine. Un insecte, ou bien un simple grain de beauté ?
Mon esprit est trop faible pour trouver la réponse, et je plonge une nouvelle fois dans l’inconscience de mon introspection. Trop tard. La curiosité s’est immiscée en moi, imperceptiblement ; assez toutefois pour provoquer dans mon être une dichotomie insoutenable, comme une feuille de papier que l’on déchire en deux. Comment résoudre cela ?
Bientôt il me faut ouvrir de nouveau les yeux, entreprise si douloureuse qu’elle m’arrache un hurlement intérieur.
Le mur, toujours. Et devant lui, les ombres indistinctes de deux êtres humains qui n’ont plus rien d’humain. Plus rien d’humain ? Tic, de nouveau. Mon esprit s’efforce de saisir l’insaisissable, ce petit quelque chose qui me titille et qui me gêne, et que je ne sais définir.
Qu’est-ce qui cloche ? L’odeur, de plus en plus prégnante, de plus en plus sensible, ou bien ces yeux vitreux qui me contemplent sans me voir… qui me contemplent...
Ma conscience soudain se réveille, une suffocation me saisit tandis que mon être entier se tend vers un au-secours désespéré, pressé par une lucidité terrifiante.
Cette tache sur la joue de Catherine, qui rampe progressivement vers son oreille droite et s’y enfonce nonchalamment, c’est un ver...[/i]