par zerosum sur 09 Mar 2005 16:35
Et bien franchement, j'ai bien aimé (pour un blockbuster). Plus encore, j'espère qu'il y aura un "Constantine 2" ! Parce que cette nouvelle "franchise" mérite selon moi d'avoir l'opportunité de se poursuivre et de se développer.
Tout est relatif bien sûr. Nous sommes devant un blockbuster, impossible de l'oublier. Un blockbuster qui verse en plus pompeusement dans tous les travers qu'on retrouve systématiquement dans les blockbusters de seconde catégorie aujourd'hui : surenchère niveau effets spéciaux, censée combler le manque d'inventivité du scénario et de la mise en scène, mise en scène, justement, excessivement tape-à-l'oeil, là encore censée dissimuler son manque de souffle véritable. Une intrigue linéaire au possible et tout à fait banale, des héros caricaturaux et uni-dimensionnels, un casting d'acteurs good-looking et bankable, sans oublier l'application aussi stupide que studieuse du quotat d'humour (forcé) à respecter.
A ça ajoutons qu'il s'agit ENCOOOOOORE d'une adaptation de comics (disons plus exactement "très lointainement basé sur" un comics), et le tableau est parfait : commande de studio inhabitée, n'ayant vu le jour que pour répondre à son temps !
Et pourtant, malgré tout ça, j'ai énormément aimé "Constantine" ! Un genre de film que généralement je conspue, ou boycotte tout simplement... Pourquoi donc ?
Commençons par quelques petits détails appréciables : le refus de céder l'habituel baiser final. Rien de bien exceptionnel là dedans (et encore moins de révolutionnaire), mais plaisant, quoi qu'il arrive.
Plus intéressant encore est le refus de la grande scène d'action héroïque/confrontation au sommet, à la fin. J'ai trouvé ça assez raffraichissant pour un blockbuster "d'action", le fait que pour résoudre la situation, le héros abdique pour laisser à un autre le soin d'agir à sa place. C'est le héros qui calcule tout bien sûr, mais ce n'est pas lui qui agit. Et lorsque l'on a un acteur comme Keanu Reeves (dont on connaît maintenant les aptitudes sportives), ne pas céder à cette tentation du combat rapproché est plutôt surprenant je trouve !
Mais ce ne sont là que des détails isolés, de maigres consolations sur la forme, pour ce blockbuster qui reste inéluctablement un blockbuster de seconde catégorie, rempli de trucs assez minables au demeurant.
Sinon, l'autre point que j'ai apprécié, c'est la performance de Keanu Reeves, qui est encore une fois parfait dans son rôle !!! Bon OK, j'en rajoute exprès, histoire de contre-balancer un peu les attaques de N°6. Très franchement j'ai du mal à comprendre qu'on puisse reprocher à Reeves de ne pas être assez expressif, alors que c'est justement ainsi que son personnage est conçu : tout en intériorité et en imperméabilité ! Pourquoi aller réclamer de l'expressivité là dedans ? Tout ce qu'on lui demande à Reeves sur ce coup-ci c'est d'habiter son personnage, point. Et je trouve qu'il y arrive extrêmement bien ! Ne serait-ce que parce qu'il est parvenu, et c'est presque un miracle, à me faire oublier Neo d'entrée de jeu (pas à la portée de tout le monde >> cf. Duchovny ! :P ) Dans un film qui pourtant entretient un certain nombre de points communs avec "Matrix" (que la bande-annonce ne s'est d'ailleurs pas géné pour mettre plus spécifiquement en avant, vendant ainsi "Constantine" comme un bon gros vieux "Matrix"-like).
Je ne suis pas un expert de la filmographie de Keanu Reeves (qui s'illustre un peu trop souvent dans le cinéma indépendant pour qu'on puisse avoir une autre image de lui que celle qu'il laisse au travers de ses blockbusters), mais il me semble que son dégré d'inexpressivité, comme tu dis, relève bien plus de ses choix en matière de personnages et de films, que d'un réel manque de "talent". Reeves, à mes yeux du moins, dégage quelque chose d'assez peu commun. Il a une manière assez puissante d'occuper (et d'habiter) l'espace, et semble bénéficier d'une force intérieure (une force calme, tranquile, posée, presque "spirituelle") qui fait qu'il impose très aisément sa présence et son personnage, en lui donnant une épaisseur qui n'a nul besoin de passer par une quelconque "expressivité" (expressivité qui reste quand même l'outil number one, soit le plus "facile", du commun des acteurs). Un certain charisme donc, qu'il met au service de personnages qui semblent faits pour lui, et que lui, bien mieux que n'importe quel autre acteur, est en mesure d'incarner.
Il existe plusieurs sortes d'acteurs, et Dieu merci Hollywood n'est pas peuplé que de "livreurs de prestations troublantes", que personnellement je ne peux pas blairer d'ailleurs ! :twisted:
Visiblement, Reeves ne cherche pas le rôle de composition à tout prix, le rôle de sa vie, ni même le rôle "à part" propice à étaller ses talents d'acteurs aux yeux du monde...
John Constantine entre ainsi dans la même catégorie qu'un personnage comme Neo, dont l'inexpressivité et la quasi-"transparence" dans "Reloaded" et "Revolutions" n'étaient pas due à Reeves, mais bien à la façon dont son personnage a été écrit : volontairement fantômatique, présent sans être vraiment présent. Extérieur à lui même, tout en étant habité. Tout comme l'est le personnage de John Constantine. Je pense que c'est quelque chose de très difficile à jouer en fin de compte, et pas donné à tout le monde. Très peu d'acteurs auraient pu, selon moi, jouer le Neo que Reeves a joué dans les suites de "Matrix". Ni même ce John Constantine.
Mais bref passons...
Non, ce que j'ai le plus apprécié dans "Constantine", et qui m'a autant donné envie d'être indulgent, c'est le monde si particulier qu'il dépeint en creux.
Je passe sur la pseudo-noirceur du film, qui est devenu un argument commercial aussi convenu qu'un autre, à plus forte raison lorsque l'on se présente comme une adaptation de comics.
Mais ce monde où il est question de suicide à tous les coins de rues, m'a immédiatement captivé. Un monde noyé dans la douleur et la souffrance (auto-infligées bien sûr). Un monde fertile à la culture du christiannisme. Un monde d'enfermement louant des martyrs et promulgant la pénitence et la mortification. Un monde dans lequel notre "guide" n'est autre qu'un personnage qui cherche continuellement à s'auto-détruire, de toutes les manières possibles. Un personnage qui refuse de laisser pénétrer le moindre réconfort dans sa vie, et qui finalement ne cesse de mourir, pour renaître et, seulement alors, apprendre à vivre.
Rien de vraiment exceptionnel quoi, mais ça m'a pourtant profondément touché, peut-être trop personnellement d'ailleurs, et c'est quelque chose auquel je ne m'attendais pas du tout ! Une excellente surprise donc, alors que je n'allais voir ce film à la base que pour m'abrutir un bon coup ! C'était raté ! Tout ça est très bien pensé en définitive. Et il y a presque comme une forme de discours étonnement lucide qui s'en dégage sur la nature du christiannisme et son impact profond dans nos modes d'existence...
Alors bien sûr, rien de tout cela n'est vraiment développé, dans le sens où on l'entend d'ordinaire. Mais je pense que ce n'est pas plus mal ainsi. Parce que je ne suis pas sûr que Francis Lawrence ait pu faire preuve de suffisamment de subtilité pour développer de tels aspects... Ce développement ne se fait donc qu'en creux. Mais ces quelques éléments et impressions disparates se suffisent finalement à eux-mêmes et elles-mêmes, sans qu'il n'y ait nécessairement besoin d'un chef d'orchestre derrière pour venir les faire s'accorder. Car ces éléments non dégrossis parviennent au final à dresser un tableau assez brut, qui tire justement tout son charme et sa force de ce côté brut. Une qualité qui ressort donc, par inadvertance, d'un vilain défaut.
Bref, j'ai beaucoup aimé. Et j'espère qu'un second opus, dans la même veine, suivra...
Un blockbuster qui réussi à me marquer, c'est tellement rare que j'en redemande ! :wink:
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