J'ajouterai à ma review que le scénario du film est beaucoup trop touffu et diffus, multipliant les personnages, les sous-intrigues et les enjeux (le coup des téléphones portables en étant une bonne illustration), ce qui confère au film un aspect très épisodique. On a presque l'impression parfois de regarder l'adaptation sur grand écran d'une série tv, dans lequel l'intrigue d'une saison entière aurait été compressée en un long-métrage. Une structure d'autant plus difficile que certains éléments de l'intrigue occupent une place prépondérante dans le film avant de disparaître soudainement et laisser la place au suivant. On commence ainsi avec une histoire intéressante de justiciers auto-proclamés inspirés de Batman, avant que ceux-ci ne disparaissent totalement de l'intrigue. On continue avec un Batman qui se demande s'il doit révéler son identité, avant que la question, qui préoccupe tout le monde pendant bien cinq minutes, ne soit réglée pour lui et que l'on passe à toute autre chose. Les épisodes se suivent ainsi, amenant même parfois de longues parenthèses pas franchement indispensables (l'épisode hong-kongais) et des personnages pas franchement nécessaires (le comptable qui compte dévoiler l'identité de Batman).
Le film aurait ainsi gagné à supprimer certains arcs et certains passages. Toute la première partie du film (jusqu'à la mort de Rachel et la transformation de Dent) fait figure de looong prologue qui aurait mérité d'être condensé. Torrance, tu dis que Batman est au coeur des débats, contrairement aux films de Burton, pourtant j'ai le sentiment que s'il l'était bel et bien dans "Batman Begins", film que j'avais par ailleurs apprécié, il est contraint cette fois de composer et de partager pas mal de temps d'écran avec le Joker et Harvey Dent, sans compter tous les seconds couteaux qui parasitent le film. Et là où les questionnements de Batman étaient clairement formulés dans le premier épisode, ils sont ici plus difficiles à cerner, justement parce que le scénario ne cesse de changer de focus. Batman est soi-disant borderline et sombre, "une brute incapable de réprimer ses pulsions morbides" pour citer torrance, mais je ne vois pas à quel moment du film c'est le cas. Au contraire, il apparaît comme un héros hollywoodien assez classique, qui aimerait raccrocher pour se consacrer à sa belle (dont il n'aura plus que faire une fois qu'elle est morte), qui sauve le monde malgré lui, et qui ne sera jamais capable de véritablement violer la morale pour faire triompher le droit. De même, je ne vois pas où est l'identité, la complémentarité ou la fascination réciproque entre Batman et le Joker, si ce n'est qu'ils ont tous les deux un sale goût vestimentaire.
Tu dis aussi dans ta review que tous les personnages évoluent d'un point A à un point B, or ce n'est le cas que de Dent. Je ne vois pas en quoi Batman ou le Joker ont évolué en quoi que ce soit (enfin, y a Rachel aussi qui évolue, en un tas de cendres... quelle incroyable potiche que ce personnage quand même). Quant à Dent, il ne fait pas mystère que c'est pour venger sa belle qu'il descend les gens qu'il estime responsables de sa mort. Cela aurait été bien plus intéressant s'il l'avait fait par dépit altruiste comme tu le proclames (à la Elliott Ness dans "The Untouchables" de De Palma), mais ce n'est pas le cas. On aurait pu aussi avoir Gordon faire ce genre de choix, mais ce n'est pas non plus le cas, et jamais le perso n'est confronté au moindre choix éthique ou moral, jamais il ne doit transiger, compromettre sa vision du monde. Et pour en revenir à Dent, son jeux du pile ou face pour décider du sort de ses victimes relève en l'état du gimmick, puisque la mort de Rachel n'est en rien due au hasard.
Ce qui m'amène à vous conseiller de vous mater "No Country for Old Men" si ce n'est pas déjà fait. Quel rapport ? Ce film met lui-aussi en scène des personnages qui symbolisent l'opposition entre ordre et chaos, civilisation et barbarie, et essaie également de refléter l'état du monde actuel et de mettre en question la notion de 'civilisation' (Michael Caine a un commentaire intéressant là-dessus dans TDK, mais cela ne mène à rien). Il met d'ailleurs en scène un tueur plus terrifiant et désinvolte que le Joker, qui utilise lui-aussi une pièce de monnaie pour décider du sort de ses victimes. Et puis je trouve que ce film réussit bien mieux la fusion entre film de genre et 'cinéma d'auteur'. Ah, et puis entre Tommy Lee Jones et Batman mon choix est vite fait.
(pour les boulets de service quand je parle de Tommy Lee Jones je ne réfère pas à "Batman Forever" hein !)
Si quelqu'un m'a compris c'est que je n'ai pas été clair.