Acheté et consommé.
Je n'ai jamais été un connaisseur de la série. Mon dernier contact avec elle date de 1997 lors d'une poignée d'épisodes désordonnés, et l'unique fois où j'ai suivi l'intégralité remonte à 1994, époque où je n'étais pas encore suffisamment construit pour en saisir les rouages plus subtils. Bien que déjà fasciné par les gimmicks du show et l'ambiance extraordinaire qu'il distille, de nombreuses nuances m'avaient donc échappé. Pas tant dans l'histoire, que dans la manière dont l'histoire est racontée. Il m'aura donc fallu treize ans pour enchaîner à nouveau les épisodes de la première saison dans la bonne chronologie.
Je suis encore moins un admirateur de David Lynch, dont tous les essais récents me laissent un sentiment d'indifférence dans la bouche - en réalité le seul film que je retiendrai du monsieur est Eraserhead, non pas qu'il soit le précieux rubis souvent disserté, mais parce qu'il est un moment de terreur pure et quasiment punk qui m'a terriblement marqué. Cinématographiquement parlant il est bourré d'irrégularités et de moments poussifs qui l'empêchent d'être parfait mais c'est tout l'attrait. Une apocalypse parfaite et lisse ne rimerait absolument à rien. Enfin bref je m'égare.
Twin Peaks donc.
Difficile de savoir par où commencer, surtout lorsque l'on sait que l'on n'amènera rien de plus que les commentaires précédents. L'effet nostalgie a marché à fond les manettes, au point que ma main droite voulait écrire des fanfics tandis que la gauche allait très fort sur le café. Je pourrais écrire des lignes et des lignes sans fin sur les décors recherchés et le travail sur la photographie, absolument exceptionnels au point d'avoir le premier rôle de la série. La musique - même si je ne me souvenais pas de son caractère répétitif - est en tout points conforme à mes souvenirs, à la fois chaleureuse et angoissante, bref magnifique. La restitution d'un microcosme est la plus parfaite jamais engendrée à la télévision. On y croit d'un bout à l'autre, et les différentes "places" sont si riches en détails qu'on a l'impression d'être, non pas dans une série télévisée, mais dans un RPG. D'ailleurs l'intrigue en elle-même ressemble à un RPG, à savoir un personnage qui apprend l'existence d'un lieu par un autre personnage et qui s'y rend et rebelotte. Un truc assez unique en fait. Et bien sûr il y a Dale Cooper, un personnage invraisemblable, à la fois d'une compétence absolue et d'un pif outrancier - comment peut-on autant se reposer sur les rêves et l'intuition sans même se justifier. Les personnages féminins au premier plan sont moins intéressants que la femme à la bûche et un peu trop classiques à mon goût, et certains spécimens ont moins bien vieilli - le Dr. Jacoby a désormais une longue descendance de psychiatres timbrés à la télévision. Heureusement rares sont ceux qui n'apportent strictement rien à l'ensemble et le tout donne vraiment l'impression d'une communauté existante. La série donne la sensation d'un bon concept saupoudré de milliers de bonnes idées, mais dont seulement certaines vont être exploitées, créant à la fois satisfaction et frustration. Néanmoins Twin Peaks fascine pour des raisons moins évidentes. D'un coup une angoisse étrange peut s'immiscer en nous, sans raison. Certaines séquences qui pourtant ne présentent aucune situation particulière provoquent un malaise ou une déprime venus de l'on ne sait où. Plus qu'une série à voir c'est une série à humer, on est dedans, sûrement parce qu'elle ne met pas son intrigue sur le devant de l'estrade. En ce sens c'est une série mystique, qui ne parle ni à l'intellect ni aux sentiments, mais à quelque chose d'autre. Quoi donc ?
Restent des séquences soap-opera de qualité variable mais dont je ne peux m'empêcher de penser que certaines sont inutiles. Même si difficiles à éviter étant donné le postulat du un épisode = une journée. On pourrait aussi reprocher à la série de ne pas être suffisamment narrative, mais elle l'est mille fois plus que n'importe quelle autre création estampillée David Lynch. Et cela reviendrait à ignorer la multitude de détails - géographiques, horaires et bien plus - glissés dans des dialogues a priori triviaux. Pour finir et parce que ça ne sera peut-être pas répété total respect à Don S. Davis dont chaque apparition dans le rôle du père philosophe de Bobby qui veut "discuter" avec son fils m'a fait hurler de rire.
Curieuse expérience que de retrouver une série appréciée en un temps où mes moyens cognitifs étaient - [i]déjà[/i] diront les petits malins - des plus endormis.
Maintenant dans la même lignée je voudrais Wild Palms.
Après la Saison 2 de TP bien sûr.
Je ferme mon rideau rouge.