par N°6 sur 22 Déc 2009 17:31
[quote="Amrith Zêta"]
Nan, nan, nan... Cameron ne critique pas l'être humain, il critique l'Homme Occidental, vil matérialiste prêt à massacrer tous les gentils autochtones basanés pour quelques lardos. Le parallèle avec le pétrole irakien est tellement énooorme que considérer le film comme une critique du genre humain serait d'une mauvaise foi gargantuesque. Non, Cameron réagit comme les nantis du siècle passé dans les officines pseudo-savantes, ceux-là même qui s'extasiaient devant les "Sauvages" en mettant de côté le fait qu'ils s'étripaient pour un oui pour un non. Un vrai fantasme de riche hasbeen - en même temps Cameron nous a habitué à être déconnecté de son époque. C'est une 'vision' qui prolonge celle de [i]Titanic[/i] avec sa bourgeoisie insolente et suffisante d'un côté et ses prolétaires héroïques de l'autre : c'est neuneu, démagogique, convenu, partisan. Ce n'est même pas de l'idéologie, c'est trop simpliste pour l'être, mais ça matraque de la même manière, avec un moralisme situé en amont de toute réflexion. Le script, qui ne contient pas la moindre surprise ou rebondissement, est une succession de lâchetés : la Terre aurait pu avoir besoin de l'énergie enterrée sous le village indigène car elle est sur le point de mourir, mais non même pas, elle la veut juste parce qu'elle aime l'argent ! Et quand le héros s'apprête à trancher, pris entre ses deux allégeances, les évènements s'emballent précisément à ce moment sans qu'il ait eu à choisir ! Et Cameron prend la fuite comme ça sur tous les enjeux un peu serrés, pour ne jamais avoir à rendre ses gentils méchants ou ses méchants gentils. Donc pour apprécier le film et passer outre sa couardise il ne faut surtout pas faire comme Cameron, se prendre au sérieux jusqu'à jouir devant son propre reflet dans la glace, et plutôt y voir un conte et une dérivation miyazakienne. [/quote]
Je ne compte pas discuter du film, puisque je ne l'ai pas encore vu, mais je voudrais réagir par rapport à cette critique pour simplement signaler que l'écologisme en sf, ou la critique de l'Occidental, n'a pas attendu "Avatar", ni même Myazaki ou "Danse avec les Loups", pour voir le jour. La défense de l'environnement et de ses habitants, animaux ou humains, et plus généralement la critique du capitalisme forcené et de la "technoscience", sont des thèmes centraux à la sf, écrite comme ciné, depuis les années 70, il n'y a qu'à voir "Silent Running" (1972) pour s'en convaincre : le film met en scène un amoureux de la nature, véritable Noé écolo du futur aux commandes d'un vaisseau spatial qui abrite les tout derniers arbres et spécimens biologiques d'une terre ravagée par la pollution et la surexploitation (Andrew Stanton revendique d'ailleurs l'influence du film sur son "Wall-e"). Et côté sf littéraire n'en parlons même pas, on peut mentionner n'importe quel bouquin écrit par Ursual LeGuin (dont le cycle "Terremer" a été adapté au ciné en 2006 par Myazaki fils, soit dit en passant). Et je veux bien que le film contienne des références explicites à l'Irak, mais avant ce conflit c'est le Vietnam qui était la cible des critiques, et à travers ce conflit le (néo-) colonialisme et toutes les saloperies perpétrées par l'homme blanc depuis la virée de Cortes à Mexico (les westerns des seventies, qui traitent tout autant de la colonisation du Far West que du Vietnam, sont à ce titre passionnants à regarder, surtout "Little Big Man", pur chef d'oeuvre -oui !- , starring Dustin Hoffman, et qui jette un regard critique tant sur les Occidentaux que sur les clichés relatifs aux Amérindiens).
Bref, je veux bien que "Avatar" soit un film 'dans l'ère du temps', mais le temps en question a environ 40 ans. Et à l'inverse je ne vois pas en quoi il est "déconnecté de son époque", d'ailleurs ce n'est pas ce qu'est en train de dire le box-office.
Quant à la vision de la lutte des classes transmise par "Titanic", Cameron n'a rien inventé, surtout qu'à ma connaissance il n'a pas dérogé à la vérité historique. Je conviens qu'il est toujours un peu dérangeant de voir des superproductions et des cinéastes millionnaires prendre le parti des prolos, mais en même temps son intrigue s'appuie sur une romance à la Roméo et Juliette, d'où nécessité d'avoir les amants condamnés provenir d'horizons différents et antagonistes.
Après que l'intrigue et le scénario de "Avatar" soient simplistes et manichéens, c'est autre chose, et c'est une critique valide évidemment.
[quote] Bon d'accord, on aurait pu sauver trois états africains ou nourrir tous les enfants à l'article de la mort avec le coût exigé par Cameron pour décorer sa Parole de paix et d'amour, mais quand même la classe. [/quote]
Comme quoi Cameron n'a pas le monopole de la démagogie, c'est déjà ça.
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Recevoir des leçons unilatérales comme un enfant de huit ans par une grosse machine comme ça, affiliée à Coca Cola et à tout ce que la téléphonie mobile peut compter de firmes qui enverront ensuite leurs composants toxiques moisir dans des bidonvilles asiatiques, je me dis que c'est grand. [/quote]
Là je suis d'accord, et comme tu dis c'est le même souci qu'avec tous les blockbusters écolos récents, type wall-e ou les simpsons. En plus du dioxide de carbone et entre autres saloperies, il y a comme du foutage de gueule et de la démagogie dans l'air c'est sûr (même de la part de Cameron, c'est aussi un businessman je ne me fais pas d'illusions), mais faut quand même espérer que ces films en retour aident à changer les mentalités et poussent dans la bonne direction. Cynisme ou réalisme, whatever.
Si quelqu'un m'a compris c'est que je n'ai pas été clair.