par N°6 sur 22 Mar 2004 19:07
Alors ça y est, j'ai enfin vu "Nemesis" après tout ce temps. Je n'avais pas pu le voir à l'époque, le film étant resté une seule misérable semaine à l'affiche de par chez moi, mais la sortie DVD m'a enfin permis de juger de la chose.
D'ailleurs, cela a peut-être été une bonne chose cette attente d'un an pour voir le film. Car j'ai tellement entendu et lu de mal sur ce film que je m'attendais vraiment à une catastrophe ambulante. Quelque chose de pire que "Insurrection", c'est dire ! Alors que, et quelqu'en soit la raison, j'ai trouvé "Nemesis" plutôt potable.
Oh ! Ce n'est certes pas un grand film, ni le meilleur Star Trek (car ce n'est pas la même chose hein), et le film n'arrive clairement pas ne serait-ce qu'à la moitié de la cheville de "First Contact" ou "Generations". Pourtant, le film est regardable dans son ensemble.
Un premier point intéressant c'est l'histoire, qui finalement n'est pas si mal pensée. Il y manque juste (enfin, c'est le principal qui manque) un développement adéquat. En effet, l'idée de confronter Picard à son 'double maléfique' est pas mal du tout. Et le film nous réserve quelques bonnes petites scènes sur ce plan-là. Shinzon, le grand méchant du film, n'est pas un personnage outrageusement mauvais, il a des doutes, des 'justifications' pour les actes qu'il commet, et le film explore plutôt habilement cet aspect de sa personnalité (d'ailleurs l'acteur qui l'interprète n'est pas mauvais). Et c'est grâce aux différentes scènes qu'ont en commun Picard et Shinzon, et notamment grâce à un discours que fait Picard à Troy je crois, que la thématique principale du film apparaît : le déterminisme, le libre-arbitre, la raison qui nous pousse agir, les facteurs qui font de nous l'homme que nous devenons, et la relativité du Bien et du Mal. Ce dernier point est plus particulièrement intéressant dans l'univers traditionnellement si manichéen de Star Trek et, si le film reste très sage dans sa réfléxion sur le sujet, il n'empêche que ces quelques scènes portent leur fruit et que l'on est amené à s'interroger, comme Picard, sur la nature de la différence qui le sépare de Shinzon. Car, à travers le reflet du miroir du destin, Picard et Shinzon sont les mêmes individus. Seulement, la vie n'a pas eu les mêmes cadeaux pour l'un et l'autre, et tous deux en sont arrivés de chaque côté de la barrière du Bien. Certains actes sont-ils explicables, voire justifiables, ou du moins compréhensibles, par ce qu'on a traversé dans l'existence, peut-on s'abriter derrière ce qu'on a traversé pour justifier des actes 'immoraux' ? Faire le bien ou le mal, acquis ou inné, fatalité ou choix ? Alors évidemment, ces scènes signifient pas mal de parlote, mais ici je pense qu'elle est justifiée et qu'on peut difficilement en blamer le film.
Par contre, tous les autres aspects du film laissent à désirer. A commencer par B-4, l'androïde similaire à Data. On devine que le personnage a été créé comme pour faire écho au duo Picard/Shinzon, pour placer Data devant son propre reflet. Malheureusement, cet aspect de l'histoire ne dépasse jamais le stade des intentions, jamais ce point du scénario ne sera développé, tout ce que l'on a c'est quelques scènes assez inutiles de B-4 jouant les trisomiques. C'est dommage, parce que les scénaristes auraient pu se servir du personnage pour souligner l'évolution qu'a connu Data depuis les débuts de la série. B-4 aurait alors été la version antérieure de Data, celui qu'il était avant son service sur l'enterprise, dénué de toute forme de sentiment et de compréhension pour des concepts tel que le sacrifice. Car oui, la scène finale du sacrifice de Data aurait ainsi être bien mieux mis en valeur, comme étant par exemple l'accomplissement (ou presque) de 'l'humanisation' de Data, finalement devenu un être humain par le fait de son suicide chevaleresque. Car en l'état, cet acte de Data n'est pas vraiment bien exploité et mis en valeur, cette scène arrive un peu comme un cheveu sur la soupe en cela qu'elle n'est pas vraiment préparée par le film, alors qu'elle aurait dû être le 'bout de la route', la conclusion d'un parcours subtilement emprunté par le film. Bien sûr, je n'invente rien là, tout est présent dans le film, mais seulement à l'état de projet, d'intention, sans que cela se matérialise jamais par une scène forte. Et le fait qu'une scène comme celle de la discussion entre Data et Picard autout d'un verre de vin juste après le marriage ait été coupée au montage n'arrange rien (la scène est dispo en bonus). En fait, en l'état la présence de B-4 fait assez artificielle dans le scénario, sa contribution à l'intrigue étant assez minime (comme si Shinzon avait besoin de se donner tout ce mal, trouver un androïde semblable à Data - me demand comme qu'il a fait- et le planter sur une planète déserte, tout ça pour obtenir des infos que les scénaristes auraient pu lui refiler bien plus facilement !).
Quant à l'élément Riker/Troy de l'histoire, il est complètement hors de propos. La scène du marriage est sympathique (et Data qui imite Irving Berlin, sympa ça), mais les deux amoureux sont des touristes dans ce film (d'ailleurs qu'est ce qu'il foutent à bord de l'enterprise alors qu'ils viennent de se marrier, je pose la question). On essaie bien de nous jeter de la poudre aux yeux en mettant en scène Shinzon torturer Troy psychiquement, mais ces scènes sont totalement hors de propos, elles n'ont rien à voir dans l'histoire et ne font pratiquement pas avancer le récit. Voilà ce qu'ils auraient plutôt dû couper en salle de montage.
J'étais au départ dubitatif sur l'utilisation des Romulanais (on dit comme ça ?) comme race ennemie du film, ceux-ci n'ayant pas la sauvagerie bestiale des Klingons ou la froideur meurtrière des Borgs, mais finalement ils tirent leur épingle du jeu, même s'ils n'ont aucune caractéristique vraiment intéressante, grâce à l'existence des Remans, ces esclaves des Romulanais exploités par eux jusqu'au trognon sur leur planète soeur. Où l'on retrouve la fameuse dualité des frères ennemis inhérente au film et les cruelles différences de parcours imposées par le destin...
Les scènes d'action du film sont plutôt réussies pour un Star Trek, bien qu'assez peu nombreuses finalement. A part la bataille spatiale dans la nébuleuse sur la fin pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et ce n'est pas cette parenthèse de Picard sur son buggy poursuivi par des méchants pas beaux sortis d'on ne sait où sûrement cousins des hommes des sables de Tatooine qui va changer quoi que ce soit !!!
L'humour est présent, et c'est tant mieux, c'est un élément ô combien important pour Star Trek. Et la présence de Janeway et de Guinan (Whoopy Goldberg, plus aperçue depuis "Générations" !) sympathique, mais cela ne saurait sauver un film qui souffre principalement d'être basé sur un scénario trop superficiel qui a peur des portes qu'il ouvre lui-même. Ce qui donne en défintive un film couci-couça, honnête mais sans plus et un peu ennuyeux sur les bords, ce qui est inacceptable si l'on pense qu'il s'agit peut-être de l'ultime sortie de la Next Generation ! Et pouquoi donc avoir coupé cette scène finale du nouveau N°1 faisant la connaissance de Picard ??!
Si quelqu'un m'a compris c'est que je n'ai pas été clair.