Passionnante réponse, Zerozum.
J'y répondrai en plusieurs fois car tu abordes les choses tout azimut, avec un enthousiasme communicatif :wink: .
Quelques points pour commencer...
[quote]Tonnerre de Brest a écrit:
Mais dans le processus de création, c'est celui qui est derrière la caméra qui a le dernier mot.
Grosse, grosse, grosse erreur !
Celui qui a le dernier mot créatif est toujours... le monteur ! Quoi que je pourrai aussi parler des mixeurs son, qui sont encore plus généralement oubliés.
(Chez les "bons" réalisateurs, le montage est déjà induit dans l'image qu'ils ont tournée. De même que chez les "bons" scénaristes habités, la mise en scène est déjà implicitement induite dans leur façon de tourner leurs description du décor et de l'action ! )
[/quote]
Il y a la réponse à ton affirmation dans ce que tu écris: chez un bon réalisateur, le montage est déjà induit dans la réalisation. Et encore, c'est une école de cinéma. Chez d'autres, le travail de montage se doit de chambouler ce qui était prévu avec les rushs.
Mais dans tous les cas, ou presque, le cinéaste est à côté du monteur quand cette étape arrive. C'est un travail dialectique. Il arrive fréquemment que le monteur commence son travail alors que le film est encore en tournage: c'est le dégrossissement que nous appelons un "ours". Il n'en reste pas moins que l'ours va être revu et corrigé par le réalisateur à la fin du tournage.
Il en va de même pour tout ce qui concerne la post-production, car tu peux rajouter au mixage la création des décors virtuels, les retouches, et même la surveillance parfois étroite (voir un brin exagérée) de l'étalonnage.
Dans un film, seul le cinéaste a la totalité de la partition en tête: les autres n'ont que des morceaux, et c'est lui qui fait le lien.
Nous connaissons tous la problématique du "final cut", soit du montage final. En France, le réalisateur a tous les droits de montage sur son film, alors que ce n'est pas le cas aux Etats-Unis. Historiquement, l'importance qu'a pris le story-board en Amérique, bien avant qu'il ne soit une obligation dans les super-productions, a été une manière de préparer le montage afin qu'il n'y ait pas de trahison de l'intention du cinéaste, qui, rappelons-le, n'est pas propriétaire de son film.
Mais il y a une autre façon de préparer le montage. Un cinéaste qui contrôle totalement sa mise en scène peut filmer de manière à ce qu'il n'y ait qu'une, et qu'une seule, façon de monter.
Mais en règle général, c'est la coopération dialectique qui prédomine, surtout avec les nouveaux logiciels type AVID et je ne sais quels autres qui peuvent faire retravailler le montage à l'infini. Bien entendu, j'adhère totalement à ce que tu dis sur le rôle du monteur et à son talent propre. :wink:
En cas de mauvaise réalisation, c'est lui qui peut ratraper le coup.
Dans le langage cinématographique, le montage donne son sens au film.
Alors le cinéaste, s'il est bon et auteuriste, sera toujours présent à cette étape, qu'il aura eu soin de préparer avec son découpage !
[quote]A la télé, c'est la même chose, sauf que le réalisateur se retrouve ici à cette même place d'ouvrier, au service du scénariste/créateur cette fois-ci.
Le réalisateur n'est pas juste un "faiseur", au même titre que le monteur n'est pas qu'un pousse-bouton, il a le droit (et même le devoir, c'est son boulot) de proposer ses propres idées, d'apporter son savoir faire autant technique et artistique/créatif, il n'empêche qu'à la base le réalisateur télé est briefé par le scénariste qui, je le rappelle, a déjà écrit une bonne part de la mise en scène dans son script ! (ce que ne fait pas un scénariste ciné - il ne fait que l'induire implicitement comme je le disais plus haut)
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C'est précisément là que la question se pose, et la réponse n'est pas si simple. Comme tu le dis, le réalisateur de série est briefé par le scénariste, qui a fait une préparation très minutieuse. Ce qui te donne d'autant plus raison, c'est le rythme de tournage d'une série. Un épisode se fait en une semaine, quelque jour en plus si il y a du luxe. En amont, les scénaristes écrivent leurs scripts bien avant la réalisation. En amont encore, le créateur les a briefé sur les intentions visuelles. Donc, quand le réalisateur reçoit le scénario, on pourrait dire qu'il a les clés en main et qu'il lui suffit d'appliquer techniquement ce qui est écrit.
C'est le cas de certaines séries: ça ne les rend pas plus mauvaises que les autres.
Dans d'autres séries, les choses se passent autrement: un réalisateur qui décide de d'adopter un éclairage, un rythme, un cadrage et un enchaînement de plans singuliers, va changer la donne. Et le monteur devra s'adapter. Et si le plus créatif plaît au créateur de la série, alors il va faire de ce gars un des réalisateurs fétiches de la série: et leur noms au générique va tout de suite réjouir celui qui s'est habitué à ses particularités de mise en scène.
Autrement dit:
1) Il y a un processus évolutif dans certaines séries où la réalisation change l'identité visuelle de départ.
2) Tout comme pour les scénaristes, certains épisodes doivent leur qualité à des réalisateurs différents.
C'est pour cela que je prennais comme exemple X-Files avec Bowman et Manners, dont la spécificité m'a toujours enchanté. C'est avec "Masculin/Féminin" que la série prend son identité visuelle. Mais il y a d'autres exemples que X-Files.
Il y a le troisième cas de figure, où un seul et même réalisateur tourne la totalité de la série. nous avons là alors le même pouvoir que sur un film. Mais j'approfondirai cet aspect plus tard.
[quote]Donc si on doit s'intéresser à la "substance" des ces oeuvres, on s'intéressera :
(1)=> à la réalisation, et la manière dont le scénario est traité.
(2)=> aux scénarii pour eux-mêmes.
(3)=> aux directions scénaristiques (+ tout le reste : traitement, etc.) empruntées par la série au fil des années.
Il n'y a rien d'injuste là dedans (car on ne raisonne pas en terme de pouvoir, mais en terme de travail d'équipe et d'expression d'une "vision"), il faut simplement savoir quelle est sa place et l'accepter humblement, savoir qu'on n'est pas là pour s'exprimer, mais pour exprimer, tout simplement, la vision d'un autre. Correspondre à cette vision et ce quelqu'un d'autre.
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Cela dépend du type de série. Mais c'est souvent le cas ainsi, effectivement.
Souvent ne signifie pas exclusivement.
[quote]Tonnerre de Brest a écrit:
La reconnaissance récente de l'art des séries fait que la recherche esthétique à ce sujet balbutie.
Effectivement, et c'est pourquoi on reste généralement, encore, du côté du simple gimmick visuel bien plus que de la mise en scène à proprement parler. Cf. "24"...
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Non, ce que tu appelles "gimmick" est le concept de mise en scène, la modalité visuelle adoptée. Ca va bien au-delà du "gimmick".
"24" est le type même de série où scénario et réalisation s'emboîtent parfaitement, de manière consubstancielle. Mais est-ce pour autant que le réalisateur se trouve bridé ? La complexité de ce type de tournage rend encore l'approche plus difficile. Filmer une personne et la représenter sous divers angles simultannés ( ce qui signifie un nombre plus grand de caméras ) donne un ressentir sur la multiplicité du réel selon la perception complètement passionnant. Je ne suis pas sûr que ce soit toujours dans le cahiers des charges.
Et quand bien même ceci serait-il dans le cahier des charges et que le réalisateur obtempère plus qu'il n'invente, ce qui m'intéresse alors c'est comment il va mettre sa créativité au service du scénario: prend cinq réalisateurs, donne-leur le même script, ils ne filmeront pas de la même manière, et c'est précisément là que ça m'intéresse. :D
Je sais, je suis indécrotable :wink: .
L'agent Squeulit pensait qu'il s'agissait en fait d'une pierre de forme triangulaire