par tonnerre de brest sur 10 Fev 2005 8:00
Ca commence de manière puissante, cette troisième saison, avec deux épisodes consacrés à la "trame stillson". Pour ceux qui auraient raté, résumé commenté du premier épisode...
Stillson et Elliman parlent de la marge d'erreur permettant de gagner les élections. Quelqu'un hors-champs les surprend, que Stillson, qui connaît la personne, convie à s'approcher.
Devant ses tableaux récapitulatifs sur Stillson, John explique à Bruce comment il peut voyager dans le futur post-apocalypse, via un autre médium, Wey, et lui parle de la couverture de "Neewsweek". Il lui demande de le tuer s'il s'avère que ce sera lui la responsable de l'Armageddon.
- Dans le roman, tout un chapitre est consacré aux déductions logiques de John vis à vis de Stillson, et des conclusions qu'il doit en tirer. En l'occurrence le flinguer. Ces tableaux font une bonne métaphore des tourments logiques que s'inflige John, mais désormais l'hypothèse que ce soit lui que l'on devrait éliminer prend forme.
John est saisi par une vision de Wey qui l'amène dans un futur ravagé, où une affiche montre qu'un culte est voué à John... Et un avis de recherche sur une prénommée Rachel Caldwell, daté de l'époque de John. Wey suggére que c'est important, avant de disparaître et de laisser John hagard dans une rue du présent.
John explique à son docteur que ses visions lui valent des pertes de temporalité complètes, mais refuse de subir un traitement.
- Dans le roman encore, les derniers chapitres expliquent la maladie de John, et comment c'est en se rendant chez un docteur spécialisé qu'il a compris qu'il devait agir vite. La série laisse arriver cette idée tout en la maintenant en suspens, comme un couperet.
John se rend au meeting de Stillson où s'active Sarah. Et il aperçoit une documentariste qui n'est autre que Rachel Caldwell...
Ce prégénérique assez long pose en scènes brèves mais denses les fondations du double épisode. Un modèle du genre.
Au meeting, John frôle Rachel et voit que c'est elle qui a interrompu Stillson au début. Celui-ci étudiait une nouvelle machine de vote informatique. Il lui propose alors de faire un documentaire sur ses dons, et lui file rendez-vous au restaurant nommé "Chez Charkey" à 19h00.
Elliman les observe.
Brusquement, il est assailli par une nouvelle vision de Wey, poursuivi par des hommes qui "ont retrouvé sa trace". John se retrouve dans la réalité en train de saluer Rachel, mais le toucher de sa canne l'expédie dans les bois, la nuit, blessé. Une heure après son rendez-vous... Il file au resteau où la serveuse lui confirme qu'elle vient de le voir partir avec Rachel.
Stupéfait, perdu, il va réveiller le shérif Walt Bannerman, inquiet pour Rachel. Ils se rendent à son domicile où John a une vision de Stillson plutôt proche de Rachel...
Mais arrive alors Rebecca Caldwell (Sarah Winter, "24, Day 2"), la soeur de Rachel qui lui avait demandé de venir. Walt et John justifient comme ils peuvent leur présence, et en serrant la main de Rebecca, John la voit le frapper contre un arbre, puis l'embrasser, à n'y rien comprendre. Elle refuse de croire au don de John.
- Arrivée d'un nouveau personnage qui n'est ni dans le film, ni dans le roman. Si la série a fait de son "axe mythologique" le combat avec Stillson, il ne faut pas oublier non plus que le roman et le film sont exceptionnellement sentimentaux. Et les relations John/Sarah constituent en soi une trame mythologique également. L'allusion aux relations futures de Rebecca avec John vient compliquer l'imbroglio. Pas par envie d'en rajouter: Sarah va être mise au courant du caractère dangereux de Stillson: il faut donc un autre prétexte (jalousie ?) pour rendre compte de leur relation chargée d'affect.
Le lendemain, Walt, mis au parfum sur la relation Stillson/Rachel, va interroger ce dernier, qui lui répond brillamment, en bon orateur manipulateur des mots. Ce qui ne l'empêche pas d'aller voir ces sbires aussitôt Walt parti pour exiger qu'on se débarrasse de John, quitte à passer par le révérend Purdy.
John, amoché, et soigné par Bruce lui explique que plus ses interconnexions avec Wey et le futur augmentent, plus il a mal au crâne, et moins il maîtrise ses "pertes de mémoire".
- Cf ce que j'ai écrit sur la maladie. Le roman et le film décrivent anatomiquement la menace qui pèse sur John ainsi.
Le gérant de l'alliance de Purdy, Kennedy, se voit entraîner dans la Limousine de Stillson où celui-ci lui montre des photos compromettantes sado-maso de Purdy. Il suggère qu'il pourrait se renvoyer l'ascenseur...
- Voilà qui est extrêmement fidèle aux méthodes de Stillson dans le roman comme dans le film. Il en va aussi de son art oratoire.
John fait venir Rebecca au restaurant le "Shark’s". Elle ne le croit pas, mais Rachel ayant été officiellement considérée comme disparue, elle se raccroche à la plus infime chance. Il lui raconte comment Rachel a surpris Stillson, ce qui le rend soupçonnable, mais la serveuse réaffirme les avoir vu ensemble, à la même table, que John a pris soin de réserver pour son entrevue avec Rebecca. Il lui aurait fait peur au point qu'elle a fait chuter le sucrier. John le touche, et recouvre enfin la mémoire de ce moment: il avait simplement demandé à Rachel si elle avait une liaison avec le politicien.
- Ce passage est remarquablement filmé: la caméra accomplit un travelling derrière la tête de John. On voit donc sa nuque et Rebecca sur sa gauche. Mais quand la caméra bouge, Rachel apparaît ou disparaît sur la droite. Nous sommes donc dans deux temporalités différentes à la fois: étrange situation où John parle et à Rachel, et à Rebecca en même temps, tandis que celle-ci s'imisce dans cette conversation d'outre-inconscient. Ce procédé, déjà mainte fois utilisé, fait l'invention visuelle de la série. Le travail sur le montage, les regards, et et les trucages mélangés pour former une écriture visuelle si particulière, est assez impressionnant.
Stillson se rend au siège de l'alliance et donne à Purdy un document sur la fondation John Smith, que Kennedy lui a filé en douce, document révélant des détournements de fond de la part du révérend. Stillson exige qu'il les détourne à son seul avantage: il lui manque un million pour sa campagne. Outré, Purdy refuse.
Stillson le regarde et lui demande qui lui fait le plus peur: John ou lui ?
- La série s'éloigne du roman et du film en faisant de John une menace potentielle, mais rend finalement compte par un détour plutôt audacieux de l'aspect inquiétant de ce personnage.
John, qui n'est au courant de rien de tout cela, vient narguer Stillson pendant une distribution de tracts, lui disant qu'il l'empêchera de déclarer une guerre, ce à quoi Stillson ne comprend rien. Mais excédé, il commet l'erreur de toucher John, qui voit alors le congrès emporté par le souffle d'une explosion atomique. Vision de terreur, particulièrement réussie.
Au même moment, Walt a retrouvé la voiture de Rachel et appelle John pour l'aider, comme il l'a déjà fait. Rebbecca Caldwell, présente, l'accuse de négliger la piste de John, le dernier à l'avoir vu en vie, dépourvu de tout alibi.
Et pour cause, l'interaction avec Wey fait perdre le contrôle de sa vie à John. Mais comment pourrait-elle l'imaginer ?
John arrive et inspecte la voiture après la fouille minutieuse des policiers. Il se voit la nuit se garer derrière elle, dans une route perdue dans les bois (cf vision précédente). En repérant un panneau, il peut emmener tout le monde sur les lieux, et de visions en visions, reconstituer le parcours de Rachel qui a fui quelqu'un. Jusqu'à ce qu'ils retrouvent la caméra que Rachel gardait toujours. Walt interdit à John de la toucher tant que la police ne l'a pas examiné: il y a du sang dessus. Rebecca frappe alors John contre un arbre (cf vision plus haut), l'accusant nommément.
- La structure de l'épisode est particulièrement bien faite. Perdant le contrôle de sa vie présente dès que Wey, l'homme du futur, entre en connexion avec lui, John voit ses visions se retourner contre lui. Tout devient alors un puzzle à reconstituer, même pour lui, en dépit, voire à cause de son don. Le téléspectateur doit donc faire les relations entre ce que montrent les visions et leurs confirmations ou non dans la réalité. Ce qui a pour effet de constamment le solliciter et le relancer, dans cette édifice où chaque brique renvoie à une autre.
Walt est désarmé. De retour chez lui, il ne peut éliminer ses soupçons devant Sarah, ce qui lui vaut une gifle magistrale. Le couple se délite: et le fils de Johnny a tout entendu.
- Cf ce que je disais sur l'aspect relationnel et émotionnel entre John et Sarah, qui prouve par ce geste à quel point elle l'aime encore.
Mais la preuve est dans la caméra: Walt convoque John, et lui montre les images tournées après que la caméra ait chuté sur le sol: et John apparaît dans la champs de vision. En tenant compte des empreintes que John a laissé sur les clés de la voiture de Rachel, il n'y a qu'une conclusion. Il lui dit ses droits et le menotte.
Au commissariat les journalistes attendent l'arrivée du suspect. Une caméra de télé tourne.
Devant son poste, Stillson jubile.
Sarah pleure.
Purdy boit un verre, impassible.
Seul Bruce est sur les lieux, dernier soutien moral.
Et Rebecca, qui n'a plus que de la haine envers lui.
Gros flash sur John, et fin.
- La série a déjà pris ses marques depuis longtemps, mais s'éloigne de plus en plus du roman et du film, côté récit, en réussissant la gageure de rester fidèle à l'esprit. Les personnages prennent un chemin qui appartient essentiellement à la manière dont les scénaristes ont retransposé leur histoire. Mais il est évident que chacun s'est imprégné du livre et a du le lire un paquet de fois, comme si c'était une charte imposée par les créateurs de la série ! Il en va exactement de même avec le film. C'est ce qui permet cette fidélité qui n'est en rien ennuyeuse (il n'y a pas de ressassement) car les rebondissements inventés renouvellent le récit.
L'agent Squeulit pensait qu'il s'agissait en fait d'une pierre de forme triangulaire