par No6' sur 10 Avr 2004 1:27
Oui, moi aussi j'aime beaucoup cette série. A vrai dire, je trouve cette série, telle qu'elle était à ses débuts, assez formidable.
Le concept est en effet génial, par plusieurs aspects, et avant tout par son personnage principal, Jarod, personnage hautement ambivalent et ambigu. Génie et grand enfant, qui sait tout sur tout mais qui ne connait pas la réponse à la plus simple des questions, son identité, Jarod ressemble souvent à un psychopathe, passant toujours à deux doigts de faire payer le prix fort aux bourreaux q'il paraît prêt à punir en leur faisant connaître le même supplice que leur victime.
Jarod n'est-il pas convaincant lorsqu'il leur fait croire qu'il va vraiment les exécuter, les noyer, les faire sauter ou que sais-je encore ? D'où vient ce regard si sombre que Jarod réserve à ses proies ?
Souvenez-vous de cet épisode où Jarod, comprenant soudain qu'il a en face de lui un homme qui a tué une mère de famille et abandonné son nouveau-né dans une poubelle, se saisit d'un clé à mollette et s'approche de lui avec un visage si sombre et décidé qu'il nous fait croire, l'espace quelques secondes, qu'il s'apprête à le battre à mort. C'est qu'on a parfois l'impression un peu gênante qu'il serait prêt à le faire !!
Au delà ce cette première ambiguité fondamentale, Jarod représente notre idéal à tous, un homme extrêmement intelligent, capable de se faire passer pour qui il veut, voyageant dans le monde entier et maîtrisant toujours toutes les situations, tenant à la fois de Sherlock Holmes, d'Indiana Jones et d'Arsène Lupin. Mais dans le même temps, il entretient un grand complexe vis-à-vis de ses parents, il n'est pas sûr de connaître l'homme qu'il est, il entretient qui plus est des sentiments ambivalents à l'égard de son père (qui est peut-être un assassin).
Pour aussi sûr de lui qu'il soit dans la vie ''sociale'', Jarod n'en est pas moins un être extrêmement fragile et rongé par le doute aussitôt regagné sa tanière. Nouvelle dualité.
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En fait, et peut-être surtout, le Centre était la maison de Jarod, l'endroit où il a grandi, en toute sécurité et sous l'aile protectrice de son père adoptif, Sidney, jusqu'au jour où il décide de quitter le nid et de s'aventurer dans le vaste monde, incertain du rôle qu'il veut y jouer et assumant de multiples identités, aucune ne lui correspondant tout à fait. Qui ne se reconnaîtrait pas dans un personnage pareil, qui ne se rêverait pas aussi fort, intelligent et sûr de soi que Jarod, et qui ne se reconnaît pas dans ce qui n'est rien d'autre qu'un passage à l'âge adulte, qu'une initiation à la vie où peuvent se reconnaître tous les adolescents ?
Jarod découvre la vie dans chacun des épisodes, Jarod recherche son identité, Jarod fuit ses ''parents'' pour mieux se trouver et se construire. Qui n'a pas envie et n'a pas peur de se reconnaître en lui ?
On pourra dire la même chose de Miss Parker d'ailleurs, à un degré moindre. Ainsi, toute la première saison, formidable, nous montrera Jarod, en nouveau Fugitif qu'il est, rouler sa bosse et assumer de multiples identités, se plongeant à chaque fois dans un milieu social différent et dévoilant de nouvelles facettes de l'être humain à travers les hommes et femmes qu'il rencontre, victimes, bourreaux, et parfois les deux, des facettes tour à tout merveilleuses et terribles. Il y découvrira en outre tout un tas de petits détails ''magiques'' qui émerveilleront son âme d'enfant (monsieur face de patate, les crottes de chien en plastique, les PEZ,...), tout en se confrontant à des individus on ne peut plus ignobles, des ''forts'' qui abusent de ''faibles'', et ce redresseur de tort d'intervenir pour dispenser la justice. Plus parce qu'il se reconnaît dans ses drames (il s'agit toujours d'enfants enlevés à leurs parents, de pères assassinés, etc.) que parce qu'il cherche à rendre la justice, d'ailleurs.
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Car c'est aussi une série sur la cellule familiale que nous avons là. TOUS les épisodes traitent en effet de familles éclatées, de mères célibataires, d'enfants orphelins de leur père, de frères arrachés l'un à l'autre, de filiation douloureuse. Et Jarod, toujours, de se reconnaître dans ses multiples drames familiaux, lui qui cherche le secret de ses origines, lui qui cherche sa mère et son père, simplement parce qu'il a besoin de les trouver, de se construire une ''véritable'' identité, obsession qui le ronge depuis la plus tendre enfance. Et Miss Parker n'est-elle pas elle-aussi à la recherche du secret de la mort de sa mère ? Ne tente t-elle pas de disperser l'épais brouillard autour de son père (mais est-il seulement son père) ?
Et Sidney n'a t-il pas un frère jumeau, dans le coma depuis des années, dont il cache l'existence ?Sans parler de l'intrigue ayant trait au Centre (Qui dirige le Centre ? Pourquoi cherche t-on si ardemment à retrouver Jarod ? La mère de Miss Parker s'est-elle vraiment suicidée ? Etc.), ce qui donna continuellement aux épisodes, grâce à un montage parallèle des aventures de Jarod et sans oublier la traque du fugitif bien sûr, autre grand fil rouge, une dynamique très forte aux épisodes.
Et qui posa la situation assez exceptionnelle qui voulait que les principaux personnages de cette série (Jarod d'un côté, Parker et Sidney de l'autre) ne se rencontraient quasiment jamais et n'avaient presque aucune scène en commun.
Ajoutez à cela une sophistication visuelle intense, l'utilisation de jump-cuts et autres sucreries esthétiques (et sonores, merci à de très réussies musiques), et vous obtenez une série exceptionnelle, passionnante et originale, malgré les nombreuses influences de celle-ci.
Mais tout cela ne vaut vraiment que pour la première saison. Car, dès la 2e saison, les choses commencèrent à se gâter. En effet, si TOUS les épisodes de la saison 1 sont parfaits (situation assez exceptionnelle), la saison 2 elle allait commencer à ébrecher le moule parfait dans lequel s'était glissée la série. Les scénarii y perdent en originalité, les aventures de Jarod commencent à sentir légèrement le déjà-vu, certains des codes immuables de la première saison sont abandonnés (sacrilège impardonnable), et surtout, les intrigues relatives au Centre commencent à s'embourber dans l'invraisemblable et le grotesque.
Les scénaristes sont visiblement à la peine en effet pour renouveler le Centre et ses intrigues de couloir, et résultat, la série perd en intérêt. Toutefois, ceux-ci ont l'intelligence de faire évoluer Jarod et de ''faire grandir'' son personnage, en lui faisant camper, presque pour la première fois, des criminels (son apparence va d'ailleurs refléter ce changement). D'ailleurs, le season opener, situé en plein Halloween et qui met en scène un Jarod médecin légiste, hanté par des cauchemars lui rappelant la mort de son frère et enquêtant sur la mort d'un jeune homme enterré vivant (y a du Edgar Poe là-dessous Mad !!), annonce la donne (d'ailleurs l'épisode s'intitule en français "Nouvelle Donne").
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Mais la vraie descente aux Enfers, scénaristique celle-ci, a lieu avec la saison 3, qui elle peut vraiment être qualifiée de ratée. Oui, Jarod y est passionnant, car maintenant c'est presque tout le temps qu'il incarne des criminels, se faisant par exemple tatouer tout le corps le temps d'un épisode afin de poser pour un ancien détenu, et arborant plus généralement une apparence extérieure plus que parlante (cheveux dressés sur la tête, barbe mal rasée, on est loin du Jarod propre sur lui et aux cheveux sagement plaqués des débuts - d'ailleurs l'apparence extérieure a toujours été très importante, pour accommoder les différents emplois qu'il prenait autant que pour figurer son 'humeur' du moment). Et quand il n'est pas un traffiquant d'arme international ou un tueur à gage, Jarod se prend pour un chasseur de primes ou un profiler... (à comparer aux gentils médecins, garde-côtes et autres pompiers qu'il interprétait durant la saison 1)
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Mais le plus parlant, c'est, à nouveau, le season opener, où Jarod pose (?) pour un fou, interné dans un asile (et, pendant au moins 20 minutes, le spectateur sera vraiment amené à se demander si Jarod a vraiment fini par perdre la raison - si tant est qu'il l'ait jamais eue). Bon.
Mais, malheureusement, les scénarii qui nous sont proposés ne sont pas toujours passionnants et rappellent par trop les séries policières classiques, nous éloignant ainsi à grandes enjambées du schéma narratif classique de la série (dans un souci sans doute de la part des scénaristes de ne pas se laisser piéger dans un schéma trop répétitif, ironie des ironies). Et, surtout, le Centre commence vraiment à tourner à vau-l'eau, les histoires là-bas tournant au plus pur ridicule, un ridicule quasi soap-opera-esque : les scénaristes, toujours aussi avides de changement, introduisent par exemple un ''love interest'' à Miss Parker, cette relation occupant ainsi le temps d'antenne normalement attribué aux intrigues du Centre (exemple d'intrigue : Miss Parker a invité son père à souper avec elle et Thomas, son chéri - tout se passera t-il comme prévu ??!).
Bref, on touche le fond, d'autant que toute la richesse visuelle d'antan a été proprement passée par dessus-bord.
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Et ne c'est pas la 4e saison qui va venir y changer grand chose. Au contraire, puisque celle-ci vient empirer les choses, Jarod lui aussi finissant vraiment par se perdre dans des histoires réchauffées et calquées sur de nombreux films de cinéma ("Reservoir Dogs", "Le Projet Blair Witch", etc.), signé d'une faillite créative définitive, le Centre continuant toujours de son côté à dériver on ne sait où (un épisode entier est ainsi dédié à un méchant et mystérieux monsieur qui s'avérera très méchant puisqu'il ramasse et collectionne les animaux morts sur la route (!) ).
Jarod incarne pour la énième fois un militaire, révélant le meurtre d'un soldat, assassiné par le même intermède qu'utilisé déjà lors de la saison 1. Jarod retrouve son père (qui finira par se prendre pour un ninja !!), sa soeur, mais continue la quête de son identité,...
Bref, c'est non seulement banal et ennuyeux mais cela commence même à devenir n'importe quoi, il est temps d'arrêter les frais, de peur de se voir encore infligé un frère, une soeur, un fils, un demi-frère jusqu'alors inconnus, retrouvé, tué, ressucité, assassiné, fantôme, schizo,... Le train déraille, et les scénaristes aussi. Hélas, mille fois hélas, on se verra encore infligé deux téléfilms affligeants, recyclant encore les mêmes histoires abracadantesques et poussant le vice jusqu'à faire appel au fantastique et à l'idée éculée d'une prophétie complètement hors de propos dans le contexte de cette série.
Enfin, ça c'était encore à l'époque où la série tenait la route (oui, je sais, tenir la route et dérailler, ce n'est pas exactement une métaphore filée, et alors ? Mais je vous emm**** moi !! :D).
En bref, la série est aujourd'hui terminée, et la fin a été douloureuse, mais il était clairement temps de mettre le hola au délire général. Reste une merveilleuse première saison, aux promesses jamais vraiment honorées mais qui, par elle-seule, vaut définitivement le coup d'oeil. Aaah, Jarod, cet homme si moderne, si improbable, si authentique...
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Edité par - No 6 le 12/02/2004 03:18:01