par MaRiNa sur 17 Nov 2004 10:50
Moi j'aurais bien aimé savoir ce que "News From Nowhere" aurait donné en film.
L'intrigue de ce roman est mince, mais la profondeur est dans le message politique que Morris fait passer à ses lecteurs.
Un petit résumé? [i]Ouaaaaais!![/i]
D'abord, je précise que le livre est une utopie futuriste, ça se passe vraissemblablement au début du 22è siècle, sauf dans le prologue et dans l'épilogue. Quant au lieu, c'est l'Angleterre (le roman commence à Hammersmith et finit dans l'Oxfordshire).
[b][u]Prologue[/u][/b]
Le narrateur (qui semble être une fusion entre Morris lui-même et le lecteur) sort d'une réunion politique de la Socialist League. Il est fatigué par les heurts entre Socialistes (notamment entre les Socialistes Anarchistes et les Socialistes Marxistes), car ce qu'il souhaite n'est pas une division du parti Socialiste (à l'époque Victorienne, "Socialiste" et "Communiste" étaient interchangeables), mais justement une union du Socialisme pour vaincre le libéralisme. Donc ce narrateur revient chez lui et s'endort, il rêve.
[b][u]Découverte du nouveau monde[/u][/b]
Il se retrouve dans la Tamise, pendant une saison totalement différente (visiblement l'été), et rencontre un batelier, Dick, avec qui il se liera d'amitié. Ils remontent la Tamise, et le narrateur remarque un paysage à la fois familier et en même temps complètement changé. A la fin de l'escale, le narrateur propose de payer Dick pour le remercier de l'avior conduit en bateau, mais celui-ci ne comprend pas: en effet, l'argent n'existe plus dans ce nouveau monde, et les pièces qui étaient dans la poche du narrateur sont toutes rouillées (évidemment, allez montrer des pièces du 19è siècle au 22è siècle, lol). Dick l'emmène dans une Maison d'Accueil pour se reposer et manger, puis ils repartent. Sachant que le narrateur ne vient pas de ce monde (il pose des questions sur leur mode de vie, et semble en total décalage avec le reste de la population), Dick propose au narrateur de lui faire rencontrer son aïeul, un vieux sage nommé Hammond.
Sur le chemin, des endroits célèbres de Londres ont été transformés en petits marchés. Les gens semblent tous heureux et en bonne santé, en plus d'être cordiaux (ils s'appellent tous "my friend" ou "neighbour"). Quant à ce qui est sur le marché, ce sont des petits objets fabriqués par les habitants eux-mêmes. Le narrateur remarque que la fabrication de ces objets leur a apporté du plaisir, car ce n'est pas d'une qualité négligeable, et c'est un art fin, simple tout en étant frappe-l'oeil et esthétique. Bref, il fait la comparaison entre cet art et l'art lourd de l'époque victorienne. Même les batiments sont décorés de manière simple et esthétique. Il faut savoir là que Morris était un architecte qui prônait les valeurs de l'Art, et souhaitait une Renaissance et la disparition de la lourdeur de l'art victorien. Quand on sait ça, on comprend mieux pourquoi il y a tant d'allusions tout au long du livre aux arts, et à la décoration des lieux.
Sur le chemin, Dick et le narrateur rencontrent des enfants, qui offrent à ce dernier une pipe (il avait égaré sa pipe) et du tabac. La pipe offerte est magnifiquement décorée, et le narrateur n'ose pas s'en servir de peur de la perdre. Mais les enfants ne semblent pas prêter attention à ce détail, pour eux, c'est naturel et toutes les pipes sont décorées comme ça.
Puis les deux amis reprennent la route pour aller chez le vieux sage.
[b][u]Rencontre avec le vieux sage[/u][/b]
Ils arrivent chez le sage (il était temps), et Dick voit Clara. En fait, ils étaient amoureux, mais Clara l'a abandonné pour un autre (allusion personnelle, peut-être, au vu de l'ambiguité de la relation entre Morris, sa femme, et le peintre Rossetti pour qui la femme de Morris a longtemps servi comme modèle). Mais Clara s'est rendue compte qu'elle aimait Dick, donc elle est revenue. Quant à Dick, il a toujours aimé Clara. Les deux amoureux s'isolent dans une pièce pour s'expliquer (mon oeil!!) avant de revenir main dans la main.
Pendant ce temps, une longue discussion entre le narrateur et le vieux sage (spécialiste du 19è siècle) s'ensuit. Le narrateur pose des questions sur l'éducation, le commerce, la politique, et enfin sur comment le monde a changé.
[u]L'éducation[/u]:
Il n'y a plus d'école, les jeunes apprennent l'art et les activités manuelles. L'art est favorisé par rapport aux mathématiques (on sent bien la mésentente entre les idéalistes comme Morris et les Marxistes, rationnels). Ce que ce monde cherche à favoriser est l'évasion spirituelle, la recherche du vrai "soi", et la création par l'absence de limites. Quant à l'histoire, elle n'est pas enseignée car on ressasserait l'époque de malheurs du passé (libéralisme) et les massacres, alors que c'est un peuple entièrement pacifique. A ce propos, si quelqu'un commet un meurtre, la prison n'existe plus (et encore moins la peine de mort), mais comme la majorité sera "blessé" par ce meurtre, le meurtrier ressentira des remords, et se rendra donc compte qu'il a mal agi.
[u]Le commerce[/u]:
Dans le sens dans lequel on l'utilise maintenant, le commerce n'existe plus, car plus d'argent. Exit: les fabrications par les machines, le profit, la favorisation de la quantité sur la qualité... Les hommes créent sans avoir l'objectif de vendre plus, et ils ne se soucient pas de fabriquer plus que l'autre.
[u]La politique[/u]:
Court chapitre sur la politique, vu qu'il n'y en a pas. Ils vivent sous le Communisme intégral.
[u]Comment le changement s'est effectué[/u]:
Alors ce chapitre est plus long, il fait 80 pages, mais je ne vous résume rien, sinon vous n'aurez plus l'envie de lire ce livre, parce que c'est ce qui est intéressant ^^
En gros, le changement est le résultat de ce qui aurait pu et du se passer pendant la révolution de 1886 (Black Monday, si je ne me trompe pas), à laquelle Morris a participé. Je ne vous en dis pas plus, ça gâcherait le "suspense".
Ensuite, Clara, Dick et le narrateur quittent le vieux sage, et partent pour remonter la Tamise jusqu'à l'Oxfordshire (équivalent de Kelmscott Manor, où Morris et sa femme ont emménagé à la fin de leur vie, et où Morris a été enterré).
[b][u]La remontée de la Tamise[/u][/b]
Voyage des sens pour le narrateur. Il prend plaisir à découvrir le paysage, et les beautés de la nature. Donc là je ne vais pas m'attarder dessus, parce que ce sont les mêmes choses qui reviennent: beauté des paysages, disparition de la grisaille des affreux bâtiments, harmonie avec la nature et rôle purificateur de la Tamise.
Element supplémentaire et important: le narrateur rencontre une jeune fille, Ellen, par qui il est attiré. Elle représente l'anti-idéal féminin victorien (peau blanche, délicatesse, mystère): le narrateur fait souvent allusionau teint hâlé d'Ellen, de sa vivacité, et de son intelligence. D'ailleurs, Ellen est le seul personnage à qui le narrateur dit d'où il vient. Aux autres, comme Clara et Dick, il se contente de dire qu'il vient "d'un pays lointain". Bref, on sent un attrait mutuel entre les 2 personnages. Quand Dick propose à Ellen de voyager avec Clara, Ellen dit qu'elle préfère la compagnie du narrateur (d'ailleurs ça arrange Clara, elle voulait voyager en compagnie de Dick, avec qui elle voulait profiter de leurs retrouvailles, parce que je précise que toute la partie "Découverte et rencontre avec le sage" ne dure qu'une seule journée. Quant au voyage sur la Tamise, il dure 4 jours.
A la fin (bon, j'ai zappé certains éléments, en plus je suis pressée), un festin est organisé pour le narrateur, mais...
[b][u]Epilogue[/u][/b]
... il sent qu'il disparait peu à peu et se retrouve dans son lit, à l'époque Victorienne.
Il se rend compte que c'était un rêve, mais que ce rêve est un message. C'est à nous, lecteur, et à lui, qui subit encore les méfaits du capitalisme et Cie, de construire un monde idéal. L'épilogue est un peu moralisateur, et Morris nous fait comprendre que le futur et le bonheur sont entre NOS mains, et qu'il ne faut jamais abandonner la lutte. Il adresse aussi un message à ses amis socialistes, comme quoi il ne faut pas se séparer et se quereller (cf. prologue et differends entre Anarchistes et Marxistes) mais qu'au contraire il faut s'unir pour avoir plus de crédibilité.
Before I'd lay down to rest I'd throw away everything to live.
(A.F.I)