par Sullivan sur 07 Jan 2008 16:55
Le message de Guigui est, évidemment, emblématique de ce qui a fait l'insuccès de "Night Stalker". Venant de Guigui, ça me sidère un peu, mais c'est pas grave. :D
Alors oui, le Pilote laisse à sa conclusion sacrément perplexe puisqu'il n'y a effectivement pas d'explications. Ou du moins juste le minimum légal pour laisser apparaître les récurrences (la Volonté du "Mal" à l'oeuvre de récupérer un enfant, présente dans l'intrigue du pilote elle-même, et dans le fait qu'Irene Kolchak était enceinte ; la marque au poignet et les gens sur lesquels elle se trouve, vivants ou morts...) et donc esquisser le sens qui se cache derrière. Esquisser, seulement : les théories, c'est à soi de les faire.
C'est déconcertant, mais c'est évidemment une bonne part de ce qui enchante ceux que ce pilote fascine.
Nous sommes livrés à nous mêmes, laissés perdus et décontenancés comme le sont les personnages. Comme nous le serions si demain, le surnaturel, par nature incompréhensible, faisait irruption dans nos vraies vies. Pas question de lui donner ici un sens trop facile, de plaquer une métaphore thématique simpliste, de justifier d'un baragouinage pseudo scientifique en guise d'excuse.
Et c'est une véritable marque de fabrique de "Night Stalker" -- en tout cas de sa mythologie. Le double-épisode mythologique qui a eu le temps d'être filmé étant une véritable énigme, en l'absence de suite. On est profondément dans du Spotnitz-style, ça rappelle immensément la saison 3 de X-Files. C'est à dire la saison mythologique par excellente, dont les deux double-épisodes doivent 75% de leur contenu à Spotnitz. La saison où on a vu poindre les clameurs de "j'y comprend rien c'est incohérent", ce qui est forcément ironique maintenant que ces épisodes sont devenus limpides (pensons à Nisei/731 où on nous expliquait que les hybrides étaient créés parce que résistants à une forme de guerre biologique, soit l'explication de base de toute la mythologie, mais alors impossible à contextualiser, et donc à comprendre, puisqu'on avait même pas encore fait conaissance avec l'Huile Noire, et qu'il faudrait encore plus de temps pour que l'on comprenne la véritable nature de celle-ci et sa nature de Virus).
"Night Stalker", c'est une série construite dès le départ selon ce type de principe. A l'heure de la série tout-à-l'esbrouffe qui crame tout ce qu'elle a à donner en une saison avant d'offrir quatre ou cinq saisons de vide intersidéral derrière, c'est évidemment une création à contre-temps.
"Pieces", en anglais était un mot clef, qui n'illustre pas le visuel du générique pour rien. L'intrigue nous proposait, en vrac, les pièces d'un puzzle (la même structure que la mythologie de X-Files, versus la structure narrative classique du cause and effect) qui devaient être rassemblées par un homme lui-même en pièces depuis la mort de sa femme. Mais qui a parfois toutes les apparences du contraire.
Car le coté belle caisse et villa sublime à l'aménagement top design n'était pas une concession gratuite à un facteur glamour, mais un élément clef de la caractérisation de Kolchak, dans lesquels un oeil ultra perçant aurait pu lire dès le début ce que Spotnitz entendait proposer.
Car oui, le même principe s'applique aux personnages. La série est incompatible avec le nouveau formatage en vigueur, à savoir de poser une dizaine de clichés sur pattes dans le pilote en guise de personnages facilement identifiables et assimilables par le public. Et puis, ensuite, si on a l'occasion (et une team de scénaristes avec suffisamment de talent) on essaiera de rajouter de la subtilité. [[Au passage, cette méthode a vraiment fait la preuve de son échec. Au pire, la subtilité n'arrive jamais (Lost, Heroes) et on se trimballe des vignettes qui sombrent dans la caricature en douze épisodes, au mieux on arrive "à faire croire que", avant que forcément ça s'écroule à la première difficulté et qu'on régresse à l'atavus de personnage original (Battlestar Galactica).]]
A la base, "Night Stalker" pose son ambition. Prendre son temps. On lève des interrogations sur les personnages auxquels on ne répond pas encore (il y en a quinze à propos de Kolchak qui viennent immédiatement), on suggère ou laisse entendre au lieu de balourdement faire tout dire aux personnages eux-même comme si tout un chacun parlait au quotiden comme dans un salon de psychanalyste. Et on esquisse juste les personnages secondaires, leur laissant la liberté de se développer avec naturel au fil du temps plutôt que de livrer du clef en main.
Et compte-tenu de l'ambition démente que portaient ces personnages, c'était diablement malin.
Et Guigui ne parle que de ce "défaut" (il faut des guillemets plutôt deux fois qu'une), cette façon d'en garder sous le capeau, de s'adresser à l'intellect et à la curiosité plutôt que de se prostituer pour faire revenir au deuxième épisode, comme s'il n'y avait rien d'autre pour lier.
Mais, quand même, quel incroyable travail sur l'ambiance ! On n'avait rien vu de si précis, abouti, élégant dans le fantastique depuis Miracles (même chaîne, même sort : six épisodes et puis éjectée). La photographie incroyable, la musique parfaite et qui change enfin des remix de Snow, la réal qui fait des efforts, ces arrières plans de folie qui font participer la ville à l'action, l'ambiance fourmillante de la rédaction du journal dans le pilote...
Après, incontestablement, la série a des défauts. Dont l'apparent manque d'originalité. Précisément, aussi, parce que Spotnitz a du penser que la nature de X-Files-like retiendrait les gens suffisemment longtemps pour que ses cartes aient un impact au moment où il les abattrait. On se retrouve donc avec quelques histoires vraiment trop réminiscentes de choses déjà vues, sans que la plus-value de "Night Stalker" soit flagrante.
Autre inconvénient, celui du personnage de Gabrielle Union, qui, oui, est trop fade en l'état.
Résultante directe (mais alors di-rec-te) du traumatisme imposé à Carter et Spotnitz par la réception catastrophique par les benets américains du fantastique personnage de Reyes - saison 8 qui avait déjà motivée une dépersonnalisation massive et un affadissement considérable entre la saison 8 et la 9. L'avantage, c'est que là Spotnitz se laissait la place pour la faire évoluer dans le bon sens. Enfin, c'est sûr que j'aurais aimé qu'il ait les couilles de lui faire faire du chant de baleine dans le pilote histoire de signer un vif "je vous emmerde bande de coincés du cul à l'esprit étriqué" qui permette de passer à la suite.
Donc voilà, les dix épisodes produits sont un peu inégaux. Mais le dixième épisode diffusé en ordre ABC (je crois que c'est aussi l'ordre M6, malheureusement alors qu'ABC a fait n'importe quoi à la base) est une tuerie à ne pas manquer.
Mais, surtout, ce qui était à venir, la série est germe dans ces dix premiers épisodes, c'était un truc franchement incroyable. L'exemple le plus flagrant en quelques lignes ?
Vous aviez cru que Peri Reed / Kolchak rejouaient la dualité sceptique / croyant ?
Que nenni ! La dualité de "Night Stalker", c'était en fait...
Je précise que là, je spoile virtuellement la suite de la série. Virtuellement parce que la suite n'existe pas, mais enfin vous pourrez préférer attendre la fin de la diffusion des 10 épisodes
Donc, la dualité de "Night Stalker", c'était... le Bien et le Mal.
Oui, Peri était le Bien, et le personnage principal de la série était donc le Mal. Mais si, un type détestable, profondément égoïste, attiré par le clinquant et les grosses caisses, dont on se demande légitimement s'il ne pourrait pas être un assassin, et qui, sans en être encore conscient puisqu'il n'a pas accouché encore de sa nature intrinsèquement maléfique, a concurru directement à la mort de sa femme.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas tout les jour de séries qui naissent avec de telles ambitions, aussi peu consensuelles. Dommage qu'il n'y ait plus de place à la télé que pour le consensuel de nos jours, quelques îlots câblés mis à part.
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Sullivan on 07 Jan 2008 18:01, edited 1 time in total.
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