par Yoan sur 07 Avr 2009 2:07
Un hémicycle aux trois quarts vide aura donc voté l'application en France du texte de loi Hadopi, bouffonnerie de haute compétition, qui cumule les aberrations comme un Skyblog les fautes d'orthographe. Félicitons-nous d'être le premier pays [i]démocratique[/i] à nous encombrer d'une merde pareille, laquelle venait pourtant de se faire dégager par le Parlement Européen au motif qu'il s'agissait d'une mesure portant atteinte aux libertés individuelles.
Un texte sur [b][url=http://www.numerama.com/magazine/9854-10-bonnes-raisons-de-dire-NON-a-la-loi-Hadopi.html]Numérama[/url][/b] me semble en cerner les faiblesses de façon plutôt pertinente :
[quote][i]La loi Hadopi, rebaptisée "Loi Création et Internet", prévoit de mettre en place une Haute Autorité chargée d'avertir d'abord et de sanctionner ensuite les internautes qui ne respecteraient pas les droits d'auteur sur Internet. Selon un sondage réalisé récemment par l'industrie, 74 % des Français seraient favorables à ce système de riposte graduée plutôt qu'à la loi actuelle. Numerama liste 10 raisons non exhaustives pour lesquelles il est impératif de rejeter la loi Hadopi. Piratez-les sur votre blog, sur les forums et dans vos mails ![/i]
[b]1. Elle ne vise pas les pirates ![/b]
La loi ne sanctionne pas le fait de télécharger ou de mettre à disposition sans autorisation des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Elle crée en fait un nouveau délit, le "fait, pour la personne titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne (un accès à Internet, ndlr), de ne pas veiller, de manière répétée, à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires de droits lorsqu'elle est requise". Or pour vérifier que l'abonné n'a pas "veillé" à ce que son accès ne soit pas utilisé pour pirater, la Haute Autorité ne pourra s'en remettre qu'à une seule présomption : le fait que l'accès a été en fait utilisé pour pirater. Peu importe que ça soit par l'abonné lui-même ou par ses enfants, son ex-compagne ou un voisin de passage. La loi crée donc une responsabilité du fait d'autrui qui serait une première dans le système juridique français. L'article 1384 du code civil prévoit bien la responsabilité du fait d'autrui, mais uniquement dans des cas où le tiers coupable est jugé incapable (les mineurs par exemple), ou est placé dans une situation de subordination par rapport à son responsable.
[b]2. Elle crée une présomption irréfragable de culpabilité[/b]
La loi impose aux abonnés à Internet de protéger leur accès à Internet, par exemple en utilisant les moyens de filtrage proposés par leurs FAI, et dont la liste sera communiquée par la Haute Autorité. Mais comment un abonné qui a mis ces moyens de filtrage en place pourra-t-il prouver sa bonne foi s'il est accusé du contraire ? Comment prouver qu'à une heure donnée, un jour donné, le mécanisme de filtrage était bien activé sur l'ordinateur de l'accusé ? Ca n'est plus la présomption d'innocence qui préside, mais une présomption de culpabilité qui ne pourra en aucun cas être renversée. La loi Hadopi bafoue les droits de la défense en feignant d'ignorer que ces droits, dans les faits, ne pourront jamais être exercés.
[b]3. Elle est déjà obsolète.[/b]
Puisqu'il n'est techniquement possible que de trouver l'adresse IP de ceux qui partagent les oeuvres et non de ceux qui les téléchargent depuis des serveurs distants, le projet de loi Hadopi ne vise de fait que le P2P dans son dispositif. Or aujourd'hui le piratage se produit au moins autant sur les serveurs de newsgroups et les sites de téléchargements et de stockage comme RapidShare, dont les utilisateurs sont mis à l'abri de toute procédure. De plus, les nouvelles générations de réseaux P2P sont conçues de façon à masquer l'adresse IP des utilisateurs qui partagent des fichiers, ou à ne pas pouvoir associer de façon certaine une adresse IP à un contenu partagé. Sachant qu'il est toujours politiquement beaucoup plus facile de créer une Autorité administrative que d'en démanteler une, est-il utile d'aggraver la charge publique par une énième Haute Autorité qui sera très rapidement incapable de travailler, ou de façon tellement anecdotique que son efficacité sera nulle ?
[b]4. Elle interdit même le P2P légal.[/b]
Il n'existe et ne peut exister aucune base de données des oeuvres protégées par les droits d'auteurs. Donc le père de famille qui veut sécuriser son accès à Internet conformément aux obligations disposées par la loi Hadopi devra bloquer l'ensemble du P2P sur sa ligne, car aucun filtre ne pourra bloquer uniquement les téléchargements et uploads d'oeuvres protégées. De fait, c'est donc l'ensemble du P2P légal qui est mis au banc par le projet de loi. Il y a fort à parier qu'en plus, les FAI qui devront communiquer une liste d'outils de filtrages "efficaces" proposeront des outils qui bloquent automatiquement tous les logiciels d'échange comme eMule, BitTorrent et consorts.
[b]5. Elle nécessite un fichage contraire à la jurisprudence de la CNIL[/b]
Pour mettre en oeuvre la riposte graduée, la Haute Autorité devra connaître l'historique des éventuels messages d'avertissement envoyés auparavant aux abonnés. Elle doit donc conserver les données d'infraction pendant une période longue. Si l'abonné est sanctionné par la suspension de son abonnement à Internet, son nom doit être inscrit pendant un an dans un registre communiqué aux fournisseurs d'accès à Internet, qui ont l'obligation de le consulter avant toute ouverture d'accès. Si le nom du client y figure, l'abonné ne peut pas s'inscrire. Or par le passé, la CNIL n'a autorisé ce type de fichage qu'à la condition expresse que le nom de la personne soit retiré dès lors que le dommage qu'il a causé est réparé (un remboursement d'impayé pour être retiré du fichage de la Banque de France, par exemple). Or ici, le fichage reste actif pendant un an, sans que l'abonné n'ait la possibilité de mettre fin au dommage qu'il a causé par sa négligence.
On notera aussi que la conservation des données qu'implique la mise en oeuvre de la riposte graduée est équivalente à celle imposée aux FAI pour les besoins de la lutte contre le terrorisme. De quoi se poser des questions sur la proportionnalité du mécanisme au but poursuivi.
[b]6. Elle crée une justice à deux vitesses, selon que vous serez puissant ou misérable.[/b]
La Haute Autorité chargée de mettre en oeuvre la riposte graduée avertira et sanctionnera les internautes qui ont partagé illégalement des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Mais quelles oeuvres ? Elle n'agira que sur la base de relevés effectués par les ayant droits eux-mêmes, c'est-à-dire par ceux qui ont la puissance financière pour effectuer un contrôle et un relevé des adresses IP sur Internet pour protéger leurs oeuvres. En clair, les majors du disque et du cinéma. Les petits labels ou les artistes indépendants seront de fait exclu du mécanisme de défense de leurs droits prévu par la loi Hadopi, quand bien même leurs oeuvres seraient piratées massivement.
[b]7. Elle encourage la politique de l'autruche.[/b]
Il suffit de regarder le contenu des accords de l'Elysée pour voir que les industries culturelles estiment qu'elles n'ont pas à améliorer l'attractivité de leurs offres légales tant que la riposte graduée prévue par la loi Hadopi n'est pas effective. C'est-à-dire, au mieux, pas avant le premier trimestre 2009. Et encore, en fait, bien après, puisque l'accord prévoit un délai d'un an à compter de la mise en oeuvre effective de la riposte graduée. Au moins si la loi Hadopi était rejetée, les industries culturelles se décideraient peut-être enfin à se donner un grand coup de pied dans le derrière pour proposer aux consommateurs ce qu'ils attendent. C'est la base de tout commerce.
[b]8. Elle a été jugée contraire aux droits de l'Homme par le Parlement Européen[/b]
Comment, alors qu'elle sera présidente de l'Union Européenne, la France peut-elle ignorer une sanction aussi lourde du Parlement européen ? Le 10 avril 2008, les eurodéputés ont voté une résolution qui "invite la Commission et les États membres à éviter de prendre des mesures qui entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de l'homme et avec les principes de proportionnalité, d'efficacité et de dissuasion, telles que l'interruption de l'accès à l'Internet."
[b]9. Elle ne sera pas plus efficace que la loi DADVSI votée il y a trois ans.[/b]
Nulle part au monde les tentatives de dissuasion et de répression n'ont fait baisser le nombre de contenus piratés et surtout n'ont fait grimpé le nombre de CD et DVD vendus. Dix ans après l'arrivée de Napster, il est peut-être temps de changer enfin de stratégie.
[b]10. Elle coûtera extrêmement cher à mettre en oeuvre pour l'Etat[/b]
Lors des Assises du numérique, le président de l'Autorité de Régulation des Mesures Techniques et probable futur président de l'Hadopi s'est dit prêt à mettre en place "un processus de traitement automatisé permettant l’envoi de 10 000 messages d’avertissements par jour". 10.000 messages par jours, ce sont 3,65 millions de messages par an. Pour les envoyer, il faut connaître l'adresse IP de l'abonné, et demander l'adresse e-mail correspondante au FAI. L'arrêté du 22 août 2006 pris en application de l’article R. 213-1 du code de procédure pénale prévoit que l'identification d’un abonné ADSL et de son fournisseur d’accès internet donne lieu à une indemnité forfaitaire de 8,50 euro par IP. Soit un coût global de 31 millions d'euros par an, auquel doivent s'ajouter les frais postaux d'envois de lettres en recommandé exigées au minimum lors du deuxième avertissement, les frais de relevés des infractions, les frais de conservation des données, et les frais de fonctionnement administratifs de la Haute Autorité.
Pour que l'Hadopi ne creuse pas le déficit budgétaire de l'Etat, elle devra donc générer en retour au moins 31 millions d'euros de recettes fiscales chaque année par l'augmentation supposée des ventes sur les plateformes légales. Rapide calcul. Un MP3 vendu 0,99 euros sur Internet rapporte à l'Etat 16 centimes d'euros de TVA. Pour aller à l'équilibre, il faudrait que les Français achètent environ 194 millions de titres par an en plus de ceux qu'ils achètent déjà - ce qui suppose au passage qu'ils n'achètent pas sur iTunes, où la TVA bénéficie au Luxembourg. A titre de comparaison, les ventes de musique sur Internet en France au premier trimestre 2008 ont rapporté à l'industrie moins de 7 millions d'euros HT. On veut bien croire en faisant un effort à une augmentation des ventes consécutive à l'adoption de la loi Hadopi, mais à ce point ?[/quote]
Pendant ce temps, un autre son de cloche venu des Pays Bas :
[quote][u][b]Le piratage et ses effets positifs sur l’économie[/b][/u]
[i]par Astrid Girardeau[/i]
« Les effets économiques du partage de fichiers sur le marché néerlandais sont très positifs à court et à long terme ». Un nouveau rapport, commissionné par le gouvernement néerlandais, sur les conséquences économiques et culturelles du partage de fichiers sur les industries de la musique, du cinéma et du jeu vidéo conclut que le téléchargement illégal a un effet global positif sur la bonne santé de l’économie (1).
Réalisée par le cabinet TNO, et présentée par TorrentFreak, l’étude décrit l’impact de la numérisation sur les business models des industries du divertissement et conclut que si effectivement le téléchargement illégal est la cause de pertes directes pour ces industries, ses conséquences positives sont plus importantes. L’auteur du rapport, Annelies Huygen, estime ainsi que le téléchargement illégal apporterait environ 100 millions d’euros par an à l’économie néerlandaise.
Les raisons évoquées sont que le partage de fichiers, pratiqué par 30% des néerlandais, permet aux internautes d’accéder à un large choix de biens culturels, et de découvrir des contenus avant de les acheter plus tard. Selon les chercheurs, la plupart des interrogés n’auraient en effet jamais acheté les fichiers s’ils ne les avaient pas téléchargé et essayé auparavant. Aussi, il ressort que ceux qui téléchargent ne consomment pas moins de bien culturels que les autres. Au contraire. Par exemple, ceux qui téléchargent illégalement des jeux vidéo sont également ceux qui en achètent le plus.
Le téléchargement illégal, une aubaine économique ? En octobre 2007 déjà, une étude commanditée pour le ministère canadien de l’Industrie, montrait que ceux qui téléchargent illégalement des fichiers musicaux sont également ceux qui achètent le plus de CD. Le rapport estimait ainsi qu’il se vendait 0,44 CD de plus par an tous les 12 morceaux téléchargés.
Le constat n’est donc pas nouveau. Pourtant, il a du mal à ressortir, noyé parmi les nombreuses études, souvent réalisées pour le compte de l’industrie du divertissement, et aux conclusions généralement alarmistes. « Nous sommes face à un phénomène majeur qui peut mettre en péril l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel », déclarait ainsi Frédéric Delacroix, directeur général de l’ALPA, (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle), auteur d’une étude bâclée sur le téléchargement illégal des films en France.
Et, alors que l’IFPI vient de sortir son dernier rapport — qui conclue que 95% des téléchargements sont illégaux et prône la mise en place de la riposte graduée à la française — on peut douter que cette nouvelle étude néerlandaise trouve écho au Midem qui se déroule ces jours-ci à Cannes.
(1) Ups and downs - Economische en culturele gevolgen van file sharing voor muziek, film en games (pdf), par Annelies Huygen, 12 janvier 2009 (en néerlandais)[/quote]
Et pour achever de nous donner mal au crâne, tout en prêtant à rire de dépit, un petit aperçu du haut degré de compétence de nos chers députés sur la question :
[video]http://www.dailymotion.com/swf/x8o9h1_hebdocinema-p2p-bittorent_shortfilms&related=1[/video]
Un grand bravo à Montebourg, formidable comique pour le coup.
[b]"Playing things too safe is the most popular way to fail". (Elliott Smith)[/b]