Intercalé au beau milieu d'une série de loners tous plus décalés et délirants les uns que les autres, En ami reprend a son compte une atmosphère d'un lointain X-files pour le moins ballottée par les changements qu'elle avait subi. L'homme a la cigarette remet l'histoire de la puce sur le tapis, décidé a gagner par tout les moyens la confiance de Scully. "Mulder est trop entêté" nous dit-il. La vérité est qu'il éprouve une sorte de remord et d'admiration pour Scully, qu'il s'offre ici une ultime chance de rédemption. Il sort sa dernière carte avant la fin de la partie.
L'intrigue en elle-même est assez bien menée, en ce sens qu'elle reste fidèle au personnage de CSM. En se faisant passer pour Scully par e-mail, C.G.B. Spender contact un dénommé cobra qui détiendrait l'information sur un CD-rom, ceci dans le but de faire faire la rencontre avec Scully et non lui, pour sois-disant lui "transmettre" son savoir avant de mourir. On est en droit de s'imaginer que c'est également une formidable occasion de passer du temps avec elle. D'autant qu'au final, ce qui devait s'avérer un cadeau, une transmission capitale, s'est révélé être une ruse, un leurre, un abus de confiance. Notre brave agent Scully s'est trop laissé séduire par les remords apparents si bien suggérés par CGB. Scully se retrouve, en fin d'épisode, ridiculisée par cet homme, quand on sait l'effort qu'elle avait consenti de faire pour lui accorder confiance. C'est aussi que notre homme sait très bien appuyer la ou ça fait mal: cancer, remède miracle, pseudo déclaration d'admiration, il sait parler aux femmes... Ce qui nous amène a l'intérêt principal de cet épisode.
C'est, comme chacun sait, a la demande expresse de William B. Davis (qui a lui-même participe a son écriture) que cet épisode a vu le jour. Et ce n'était pas un luxe pour la crédibilité de la série que de faire se confronter deux personnages emblématiques. Scully et CSM n'avaient eu jusqu'alors que de très courtes scènes ensembles, et encore il y avait Mulder. La vraie première scène eut lieu chez Scully dans Closure et ne durait que deux minutes a peine. C'est pourquoi cet épisode fascine, car pour l'un comme pour l'autre, il les oblige a jouer sur un autre registre relationnel. De minute en minute, nous assistons a l'évolution d'une Scully de prime a bord réfractaire (comme bien souvent!) et qui petit a petit baisse la garde pour le plus grand plaisir de CSM (et de ses fans, comme moi!). De même, nous voyons aussi comment en prenant le temps d'écouter cet homme, il peut se confier. L'excuse de la fin de vie, de la maladie due a son opération, n'est ici employée que dans le but d'attendrir Scully et cela fonctionne a la perfection. Bien sur, sachant Scully difficile a convaincre, il a fallu préparer tout l'apparat. C'est a dire que cet épisode est vraiment a envisager (regarder) comme un jeu de pistes. Outre sa personalite, il lui fallait tout les arguments pour (la) convaincre:
-Premier argument: la cicatrice a la base du coup de Jason ainsi que son récit.
-Deuxième : le papier laissé sur le fauteuil avec ses coordonnées marquées dessus.
-Troisième: le grand bureau dans le bâtiment de la DARPA, avec l'éternel refrain/chantage: "Ici-même, des gens me tueraient s'ils savaient ce que je suis en train de vous dire; ils vous tueraient dans la minute qui suit"
-Quatrième: le coup de théâtre de la présentation a "Margorie Butters, 118 ans, championne de jardinage", avec toujours la cicatrice a la base de la nuque.
-Cinquième: l'achat d'une superbe robe de soirée et le diner interrompu. Grand coup de théâtre pour donner envie a Scully de s'apitoyer sur son sort, et sortir juste après pour la laisser dans la dernière bonne impression...
-Sixième: la rencontre avec Cobra, son assassinat, et la fuite in extrémis (de Scully).
-Septième: le faux cadeau du CD-rom échangé contre un vierge. "Tenez; c'est pour vous".
Le retour chez Mulder avec les LGM nous montre un Mulder septique et une Scully crédule.
Mais le trio et leur ordinateur ont parle: "Il n'y a rien la dessus!". Scully s'est fait berné comme jamais, a remis sinon son cœur sa confiance entre les mains de cet homme, et tout cela pour se résoudre a la conclusion de Mulder, qui est aussi la mienne: "Il t'a fait voir tout ce qu'il fallait pour que tu y croies". Mais je reste tout comme Scully persuadé que: "il y avait autre chose dans son regard"...
Depuis le temps que l'on attendait un face a face avec l'homme a la cigarette, pour ceux qui l'attendaient, on est pas déçu. Il m'est difficile en effet de constater une note négative de cet épisode. Si, une seule alors: le coup de scully qui se réveille en pyjama... Un peu énorme. On suppose qu'il l'aurait drogué, mais comment? Rien est montré. Il n'aurait quand-même pas pu la déshabiller sans qu'elle se réveille! Bref.
Hormis ce détail, j'essaie de voir ce qui a pu décevoir. Scully rabaissée, ridiculisée? CSM tordu et hypocrite (est-ce bien une surprise vu le personnage?), Mulder trop absent (pour une fois!), l'incohérence du scénario (pourquoi il va pas tout simplement prendre le CD a cobra et le bute après? mais a ce moment l'épisode n'existe plus, ni la confrontation avec Scully!). On pourrait en dire long pour les bureaucrates du détail, les fourmilles a l'affut de l'imperfection, les méchants fanatiques ne comprenant pas que X-files n'est pas X-files sans CSM, même de cette manière la.
La conclusion est frustrante, certes. Mais alors il faut se concentrer sur tout le reste. Personnellement j'ai eu un grand plaisir a voir longtemps CSM essayer de devenir "gentil", et de voir Scully essayer d'accepter son offre. D'autre part, l'écriture de cet épisode n'est pas si mauvaise. Lorsque CSM dit a Scully qu'elle est attirée par les hommes de pouvoir mais craint leur pouvoir, on ne peut pas le nier. Ajoutons a cela une bonne réalisation, une scène pré-générique pluvieuse, et une atmosphère paranoïaque que ce soit pour Mulder tenu a l'écart, ou pour Scully très méfiante. La scène dans les toilettes de la station service est édifiante.
Enfin, plus personnellement, je profite de cette review pour donner mon point de vue sur la psychologie de CGB Spender. Même si je sais que tout le monde a déjà son idée sur la question et que je n'apporterai rien en le faisant, c'est aussi le but d'une analyse personnelle; tout le monde ne voit pas les choses de la même manière, n'est-ce pas?
Pour moi c'est un homme qui ne peut vivre que dans une extrême solitude, comme le prouve Musing of the cigarette smoking man. Il n'hésite pas a tuer, certes, mais ses meurtres sont toujours des actes nécessaires pour protéger son Grand Projet. Il est entier, faux, menteur invétéré, meurtrier est sadique. Ce sont des défauts que j'aime voir dans le personnage d'un "méchant". Et le plus intéressant au fond, est de voir son évolution tout le long des saisons et de voir petit a petit quelle est sa vie; comprendre pourquoi il fait ce qu'il fait. Un personnage de l'ombre, qui ne peut vivre que dans l'ombre (surtout depuis qu'il a commis l'assassinat de JFK!) Et puis, si j'ose dire, je trouve qu'il tue avec une grande classe. Oui, c'est sa classe que j'aime en fait. Bien conscient que c'est un salopard de première, j'aime me mettre a sa place. Car de sa place, on peut voir M&S se débattre dans leur vie d'une autre hauteur, de la hauteur de celui qui tient les rênes. On partage en quelque sorte son pouvoir. C'est pourquoi lorsqu'il devient émotif ou montre un aspect plus humain de sa personnalité, c'est encore plus attendrissant. Son cœur recelait des richesses jusqu'alors inexploitées, et nous montre une facette d'un père déchu (par sa faute bien sur), un dirigent du consortium fini, un homme conscient du mal qu'il a fait, et tombant le masque devant une femme qu'il a failli tuer, c'est énorme pour lui d'avoir fait cela. Même si ce n'était que comédie, l'on sait aussi que sommeille en lui une grande profondeur et une réflexion quasi philosophique de la vie. Il faut réécouter sa tirade sur la boite de chocolat dans l'épisode "Musing of the CSM": géniale! bien que déjà utilisée dans Forest Gump... Autre exemple de son honnêteté dans la cruauté, dans l'épisode One son. La conversation avec Mulder chez Diana Fowley. Tres émouvante.
Tout ce que je veux soulever par la c'est que lorsqu'un "méchant" se pourvoit de qualités de bonne personne, ou de "gentil", c'est encore plus touchant parce que ce n'est pas son rôle. et c'est cette ambiguïté qui rend le personnage si intéressent et qui, dans mon cas, justifie que je me mette a sa place de temps en temps.
En somme, c'est un épisode qui utilise la mythologie comme prétexte, pour finalement nous montrer CSM sous son meilleur et pire jour a la fois. La musique est toujours autant de la partie. Les décors sont magnifiques. On voyage presque avec eux. Et la morale, bien que frustrante, restitue le personnage dans sa juste nature. Je laisse le bon soin des critiques, pointages de doigt des défauts a ceux qui ne l'ont pas aime. Mais en ce qui me concerne, heureusement que cet épisode existe car il vient relever le niveau parfois un peu kermesse de cette 7e saison.