par Sabaha_K sur 05 Aou 2004 23:48
Salut !
Bon beaucoup de choses ont été dites sur ces posts, et beaucoup de films ont été cités. J'en ai vu et admiré béatement un bon nombre, mais je ne vais pas revenir sur chacun. Quand je commence à parler ciné, je deviens rapidement (et malheureusement pour mon entourage) intarissable.
Il se trouve que j'ai sous la main un carnet avec une liste et quelques annotations sur une partie des films que j'ai vu depuis janvier. Le but avoué de l'époque, c'était d'écrire des critiques de ces films, en vue de créer un site sur le ciné avec mes petites mimines. Sauf que faute du moindre talent en matière de conception de site, et faute de temps surtout (quand j'ai du temps libre j'aime bien l'utiliser en écrivant), j'ai fini par renoncer.
Mais ça me donne toute de même envie de revenir sur les films qui m'ont marquée depuis le début de l'année. Certains ont déjà été mentionnés dans les posts précédents, et je vais tenter d'être concise ...
Le premier de ma liste c'est Lost in translation, par Sofia Coppola. Un film très " hype " réalisé par une fille très " hype ". On a pas mal parlé de ce film, assez attendu depuis The Virgin Suicides. Et on l'a beaucoup encensé. Moi je me contenterai de dire que j'ai bien aimé. C'était un film plaisant, bourré de défauts, comme de qualités, parfois drôle, parfois mélancolique, toujours doux et sensible. Cette rencontre entre deux solitudes, deux personnages blasés qui se laissent aller parce que leur vie n'est pas celle qu'ils voudraient, même s'ils sont nantis, est très touchante et tendre. On s'attache rapidement aux deux héros, dont les rapports, faits de non-dits, sont d'une pudeur rafraîchissante dans un monde dévasté par les obscénités de la télévision et par le cynisme. En prime, une jolie balade dans Tokyo, bourrée de clichés, mais qui met tellement bien en valeur l'âme blessée des deux héros qui errent, aussi perdus dans leur vie que dans les rues brillantes de la ville. Un joli film.
21 Grammes, par Alejandro Gonzales Inarritu, le talentueux cinéaste qui avait déjà réalisé le fabuleux " Amours Chiennes " il y a quatre ans me semble-t-il. Que dire de ce film magistral ? Les mots me manquent, entre la réalisation virtuose, au rythme parfait, hissant le réalisateur mexicain au rang de Robert Altman et de P.T. Anderson qui ont déjà si bien su faire des films autour des destins de personnages sans lien apparents mais qui se croisent tout de même (Je pense à Short Cuts pour Altman et à Magnolia bien sûr pour Anderson). Un schéma que Inarritu avait déjà utilisé dans Amours Chiennes (avec le brillant Gael Garcia Bernal) : trois personnages, trois histoires, et un tout, qui se regroupe au sein d'une mécanique parfaite et diabolique. Les thèmes se ressemblent, les motivations également, et les personnages brûlent toujours de la même passion, de la même intensité et paraissent tellement vrais. Les trois acteurs, ici Sean Penn, Benicio Del Toro et Naomi Watts sont au diapason, fragiles et bouleversants, jonglant avec subtilité entre leur part d'ombre et leur humanité profonde. Un des meilleurs films que j'ai vu cette année. Et j'en reviens à ma question de départ : que dire de ce film magistral ? Je conseille fortement à tout le monde de voir le premier long métrage de Inarritu, Amours chiennes, qui est superbe. Je l'ai même préféré à 21 Grammes, et il faut le faire.
Big Fish, de Tim Burton. C'est toujours un enchantement (et j'utilise le mot enchantement sciemment) que de voir un film de Burton (du moins quand il ne s'amuse pas à faire des remakes blockbusterisés) : un sens du visuel et de l'esthétique toujours bluffant, des histoires fantastiques subtiles, et une galerie de personnages fous, oniriques, comme s'il filmait une parade de Freaks mais toujours avec tendresse. Big Fish ne déroge pas à la règle, et s'illustre même brillamment. On n'atteint pas la finesse et le merveilleux de Edward aux Mains d'argent, mais la mâturité, et la poésie totale qui se dégage de cette oeuvre est envoûtante. Sans être fascinant, le film se laisse vivre, nous invite dans un petit monde fait de multiples histoires étranges qui au fond ne sont qu'un habillement à une histoire plus belle, et intemporelle. Les gens ordinaires sont ici extraordinaires, et la magie opère.
Monster, de Patty Jenkins. Une certaine déception pour ce film qui ne m'a qu'à moitié convaincue. D'un côté, le scénario est superbe. Il est inspiré d'un fait réel, mais ce n'est pas vraiment ça qui lui donne son intensité : il aborde la violence, et surtout la folie qui s'empare de la protagoniste principale avec beaucoup de pudeur et de lucidité, ne cherchant pas à expliquer, mais montrant tout simplement, évitant les facilités et les grosses ficelles. La réalisation paraît un peu laborieuse au début du film, le film se met en place lentement, et on perçoit certaines maladresses, mais elle sert plutôt bien le scenario. Ce qui désert le film, par contre, ce sont les deux actrices principales. Charlize Theron ne m'a pas convaincue, pas parce qu'elle était mauvaise, mais parce que son jeu me paraissait calqué sur celui d'Hilary Swank, qui était fabuleuse dans Boys don't cry. Ici, ça ne s'y prêtait pas, et je la trouvais peu inventive sur le coup. Je me demande pourquoi on lui a donné un Oscar ... Quant à Cristina Ricci, elle m'a beaucoup déçue. Elle doit confondre le mot introvertie avec le mot mijaurée, je n'ai pas cru une seule seconde à sa composition, même si effectivement elle a bien su jouer sur la carte de l'insouciance et du manque de discernement de son personnage. Bref, une semi-déception sur ce film.
Kill Bill Volumes 1 et 2, par l'inénarrable Quentin Tarantino. Je les ai revus à la suite l'un de l'autre, et bon Dieu qu'est-ce que c'était bon ! Difficile pour moi de résumer en un paragraphe tout le bien que je pense de ce réalisateur, de son oeuvre en général, et de cet opus en particulier, ça ne lui rendrait pas justice. Je noterai juste que j'ai été conquise. La folie furieuse de ce Volume 1, son ambiance kitsch, visuelle et colorée, ce patchwork délirant de références ciné, l'humour toujours aussi second degré et cabotin, la galerie de tueurs chevronnés complètement déjantés (Kill Bill est le meilleur films de superhéros que j'ai vu de ma vie) et surtout, Uma Thurman, jamais aussi belle dans aucun film, littéralement déifiée par son réalisateur, une lionne en furie, sauvage et insoumise. Que rajouter ? Et ce Volume 2 ... Tout un paradoxe : deuxième partie d'un film tout en étant une oeuvre à part entière, suite du premier sans lui ressembler : une sensibilité à fleur de peau que QT sait infiltrer dans ses oeuvres survoltées, l'air de rien, des dialogues ciselés (quelle scène, le duel de Bill et de Black Mamba !), le tout dans un décor désert et aride, dans l'atmosphère tendue du western. Là où le volume 1 était jubilatoire, exalté et cathartique, le volume 2 se pose, brutalise l'héroïne en lui imposant des épreuves non pas physiques mais beaucoup plus douloureuses car morales, ses ennemis eux-même semblent plus humains et en proie à leurs démons : Budd et son dégoût blasé, Elle et sa rivalité jalouse exacerbée, et puis Bill, le fantastique David Carradine, puissant et magnétique (moi j'avais les yeux brillants comme une midinette à chacune de ses apparitions à l'écran), qui sait si bien lire dans l'âme de Black Mamba et nous la faire comprendre mieux que quiconque. Et oui, car si le volume 1 est un film ravageur et violent, le volume 2 se résume à ça : un film sur l'amour. Je pourrais en dire plus, mais je sens que vous fatiguez derrière l'écran (ça fait des mois que je saoûle mon entourage avec Kill Bill).
La Mauvaise Education, de Pedro Almodovar. Encore un film que j'ai adoré. Ce qui est assez inédit, puisque même si j'ai toujours bien aimé les films du Roi de la Movida, je n'ai jamais adhéré au point de rester bouche bée, abrutie sur mon siège, regardant le générique défiler, totalement conquise. Là encore, il me sera difficile de faire bref, tant la richesse de l'oeuvre est flagrante : méthodes narratives audacieuses, mélageant le passé, le présent, incorporant un film dans un film, une nouvelle dans un film, le vrai et le faux, et perdant le spectateur qui au final se laisse berner, au même titre que le héros/victime (consentante) interprété ici avec solidité et intensité par Fele Martinez. Mélange de genres aussi : l'autobiographie, le film noir, la comédie (encore que contrairement à la plupart des films d'Almodovar, la comédie soit un peu délaissée et rare) et puis le drame bien sûr, on connaît le goût du réalisateur pour les mélodrames. Les thèmes : religion, amour, cinéma, mort, ambition, destruction, sont passionnés et gagnent un intensité et en authenticité par un fait tout simple : c'est un film d'hommes. Almodovar a toujours plutôt réalisé des films sur les femmes, dressant des actrices belles et lumineuses comme icônes. Ici, les protagonistes sont des hommes : humains, touchants, faibles, cruels, sulfureux, tout gagne en émotion, c'est un vrai bonheur de voir le réalisateur écrire sur des hommes. Enfin, mention spéciale pour Gael Garcia Bernal (que j'avais adoré dans Amours Chiennes) qui signe ici une composition aussi alléchante que dangereuse de " femme fatale ".
J'ai envie de parler d'autres films, mais le post commence à être long, alors je terminerai par mon préféré depuis le début de l'année, un véritable bonheur sur pellicule : La Vie est un Miracle, par Emir Kusturica. A l'instar de Quentin Tarantino (encore que dans des genres très différents) je suis une fan absolue du grand Kustu. Je crains donc que l'objectivité se barre assez loin tandis que j'écrirai mon paragraphe ... Son film le plus lumineux. Le plus tendre aussi. Le plus intime. Le réalisateur n'avait encore jamais filmé d'histoire d'amour, encore moins d'histoire d'amour impossible (roméo et juliette dans les Balkans), enfin pas en pivôt central de film. Ce qui explique les quelques maladresses de l'oeuvre alors que le gaillard a, passez-moi l'expression, " un putain de talent et une putain d'expérience cinématographiques ". Qu'importe. Franchement qu'importe, quand on voit la folie et l'émotion débordante de ce film hallucinant. C'est beau, c'est drôle, c'est émouvant, c'est intense, c'est humain ... C'est du Kustu. La première partie du film, c'est du Kusturica classique dirais-je : baroque, grand-guignolesque par moments, fellinien, démesuré, festif ! Sans dissociation réelle (à part dans le regard de la caméra, à savoir que c'est un point de vue neutre, au spectateur de porter un jugement), on nous montre de tout, des gens bien, des rêveurs, des adultères, des escrocs, des tueurs, des profiteurs de guerre, des soldats blasés, tous se mélangeant sans distinction au milieu des fêtes, cheminant entre les méandres de la guerre, vivant leur vie, aimant et mourant. Aussi intense et démesuré que l'air d'opéra lancinant que chante à tue-tête Jadranka, l'épouse et la mère. Et après cette démesure, le drame s'installe, en même temps que l'histoire d'amour. C'est superbe, et il n'y a rien de plus à dire. A aucun moment on ne sombre dans le pathos, les personnages sont vivants, et heureux de l'être, et je dois dire que rarement j'avais vu l'intimité d'un couple aussi bien filmée : la course-poursuite quand Luka sème ses vêtements comme des petits cailloux, les deux amants qui roulent enlacés dans les champs, le couple qui vole littéralement amoureux au-dessus de ceux que Luka le rêveur aime, etc. La guerre civile ici est une toile de fond, il a fallu du temps au réalisateur avant de réussir à la filmer, et il ne porte aucun jugement, filme, garde son style, et se concentre sur son amour pour ses personnages, sur son histoire intense, sur les décors somptueux et sur la folie joyeuse dont est animé chaque personnage secondaire. Et au final ? Un film extraordinaire, qui nous fait aimer être vivant, qui nous fait rire, ou pleurer, parfois les deux en même temps (et je parle littéralement là, Kustu est le seul qui arrive à me faire ça ...), bref, à voir à tout prix.
Sur ce, je vous laisse, consciente d'avoir été un peu longue, mais je vous assure que je me suis fait violence pour ne pas traîner en longs discours ...
Ma conclusion sera : [b]VIVE LE CINEMA D'AUTEUR !
[/b]
At sunrise the monkeys will fly and leave me with pennies in my eyes