[quote]J'ai adoré sauf la fin que j'ai trouvé carrément facile et pas très cohérente.
Sans ça, le film aurait été parfait.[/quote]
Beaucoup de critiques se focalisent sur la fin, "baclée", "facile", "happy-end".
J'ai par ailleurs lu sur un autre site une critique de spectateur qui se demandait ce que venait faire le texte final au ton métaphysique demeuré...
Pour celui-ci, la réponse est toute simple: qu'il aille se cultiver un peu en lisant le roman, et il se rendra compte que Spielberg cite des passages du début et de la fin du roman de Wells, qui était tout, sauf demeuré. :wink: Le final du roman est assez brusque et comme dans le film de Byron Haskins, l'adaptation du livre est assez fidèle: les E.T. sont terrassés par des microbes...
[u][b]SOURCE: "LE MONDE DIPLOMATIQUE", septembre 2004[/b][/u]
Alors que l’empire britannique est à l’apogée de sa puissance, à la fin du XIXe siècle, La Guerre des mondes de H. G. Wells évoque la fragilité de la civilisation occidentale, menacée du jour au lendemain d’effondrement par la suite d’une invasion martienne. Le roman, inspiré par les théories darwiniennes de lutte pour l’espace vital, devait connaître de multiples adaptations à l’écran.
Extrait du début et de la fin du roman:
"[b]Nous, les hommes, créatures qui habitons cette terre, nous devons être, pour eux du moins, aussi étrangers et misérables que le sont pour nous les singes et les lémuriens (1). Déjà, la partie intellectuelle de l’humanité admet que la vie est une incessante lutte pour l’existence, et il semble que ce soit aussi la croyance des esprits dans Mars. Leur monde est très avancé vers son refroidissement, et ce monde-ci est encore encombré de vie, mais encombré seulement de ce qu’ils considèrent, eux, comme des animaux inférieurs. En vérité, leur seul moyen d’échapper à la destruction qui, génération après génération, se glisse lentement vers eux est de s’emparer, pour y pouvoir vivre, d’un astre plus rapproché du soleil.
Avant de les juger trop sévèrement, il faut nous remettre en mémoire quelles entières et barbares destructions furent accomplies par notre propre race, non seulement sur des espèces animales, comme le bison et le dodo, mais sur les races humaines inférieures. Les Tasmaniens, en dépit de leur conformation humaine, furent en l’espace de cinquante ans entièrement balayés du monde dans une guerre d’extermination engagée par les immigrants européens. Sommes-nous de tels apôtres de miséricorde que nous puissions nous plaindre de ce que les Martiens aient fait la guerre dans ce même esprit ? (...)"
[u]Après l’invasion des Martiens qui a dévasté la Terre, puis leur disparition à la suite d’une épidémie, le narrateur conclut [/u]:
"Nous avons appris, maintenant, à ne plus considérer notre planète comme une demeure sûre et inviolable pour l’homme : jamais nous ne serons en mesure de prévoir quels biens ou quels maux invisibles peuvent nous venir tout à coup de l’espace. Il est possible que, dans le plan général de l’univers, cette invasion ne soit pas pour l’homme sans utilité finale ; elle nous a enlevé cette sereine confiance en l’avenir qui est la plus féconde source de la décadence ; elle a fait à la science des dons inestimables, et contribué dans une large mesure à avancer la conception du bien-être pour tous, dans l’humanité. Il se peut qu’à travers l’immensité de l’espace, les Martiens aient suivi le destin de leurs pionniers, et que, profitant de la leçon, ils aient trouvé dans la planète Vénus une colonie plus sûre. Quoi qu’il en soit, pendant bien des années encore, on continuera de surveiller sans relâche le disque de Mars, et ces traits enflammés du ciel, les étoiles filantes, en tombant, apporteront à tous les hommes une inéluctable appréhension.
Il serait difficile d’exagérer le merveilleux développement de la pensée humaine qui fut le résultat de ces événements. Avant la chute du premier cylindre, il régnait une conviction générale qu’à travers les abîmes de l’espace aucune vie n’existait, sauf à la chétive surface de notre minuscule sphère. Maintenant, nous voyons plus loin. Si les Martiens ont pu atteindre Vénus, rien n’empêche de supposer que la chose soit possible aussi pour les hommes. Quand le lent refroidissement du soleil aura rendu cette terre inhabitable, comme cela arrivera, il se peut que la vie, qui a commencé ici-bas, aille se continuer sur la planète sœur. Aurons-nous à la conquérir ?
Obscure et prodigieuse est la vision que j’évoque de la vie, s’étendant lentement, de cette petite serre chaude du système solaire, à travers l’immensité vide de l’espace sidéral. Mais c’est un rêve lointain. Il se peut aussi, d’ailleurs, que la destruction des Martiens ne soit qu’un court répit. Peut-être est-ce à eux et nullement à nous que l’avenir est destiné.
Il me faut avouer que la détresse et les dangers de ces moments ont laissé, dans mon esprit, une constante impression de doute et d’insécurité. J’écris, dans mon bureau, à la clarté de la lampe, et soudain, je revois la vallée qui s’étend sous mes fenêtres incendiée et dévastée, je sens la maison autour de moi vide et désolée. Je me promène sur la route de Byfleet, et je croise toutes sortes de véhicules, une voiture de boucher, un landau de gens en visite, un ouvrier à bicyclette, des enfants s’en allant à l’école, et soudain, tout cela devient vague et irréel (...) La nuit, je revois la poussière noire obscurcissant les rues silencieuses, et sous ce linceul, des cadavres grimaçants ; ils se dressent devant moi, en haillons et à demi-dévorés par les chiens ; ils m’invectivent et deviennent peu à peu furieux, plus pâles et plus affreux, et se transforment enfin en affolantes contorsions d’humanité. Puis je m’éveille, glacé et bouleversé, dans les ténèbres de la nuit. Je vais à Londres ; je me mêle aux foules affairées de Fleet Street et du Strand, et ces gens semblent être des fantômes du passé, hantant les rues que j’ai vues silencieuses et désolées, allant et venant, ombres dans une ville morte, caricatures de vie dans un corps pétrifié.(...)
Et le plus étrange de tout, encore, est de penser, tandis que j’ai dans la mienne sa main mignonne, que ma femme m’a compté, et que je l’ai comptée, elle aussi, parmi les morts.
[/b]"
[u]Le début comme le final démontre la fragilité de tout écosystème[/u]: la brusquerie affichée tend à rappeler que l'espèce humaine peut très vite être balayée, et que ce n'est qu'à la chance qu'elle doit sa survie. L'exploit de Ray contre un tripode, tout comme ceux mentionnés à Osaka ne signifient rien à l'échelle d'une planète dont la majorité de la population a été exterminée.
[u]Le happy-end sentimental reste également à double tranchant[/u]: comme dans le livre, Miranda Otto a bien cru que Cruise et Dakota fanning ne s'en sont pas sortis.
Maintenant, observez la distance qui séparent Ray de sa belle-famille.
Il y a plusieurs niveaux.
[u]D'abord sur le point du clin d'oeil[/u] :wink: : les grands-parents sont interprétés par les acteurs alors jeunes de la première version cinématographique.
[u]Ensuite, pour ce qui nous intéresse: le happy-end[/u]
.
Ray reste à distance de la maison des grands-parents, qui, c'est clairement dit dans le film, le méprisent. Pas d'embrassades entre eux. Au contraire une distance embarrassée que la mise en scène, sur l'organisation de l'espace, voire de l'espacement, met minutieusement en évidence. Ce qui gêne la famille "bourgeoise" est que cet inconséquent de Ray, ce prolo incapable de se prendre en charge, ait pu avoir un génie suffisant pour être un survivant: c'est d'ailleurs un aspect darwinien repris directement chez Wells qui ressurgit ici.
Bien entendu sa femme le remercie: c'est la seule qui le respecte (on sent dans leurs deux scènes communes tout ce que leur histoire a pu être).
Bien entendu, le beau-père et les grands-parents lui vouent une gratitude infinie. Mais il sourde un sentiment de stupéfaction qui fait que ses retrouvailles sont biaisées par une histoire en amont, [u]et la distance reste[/u].
[u]Quant à sa fille, Ray la voit aussitôt lui échapper pour retrouver sa mère.
Par un rythme d'opposition plutôt bien vu, c'est le fils qui vient à lui[/u].
Ce fils obstiné qui lui a échappé parce qu'il a accepté sa "noble folie", soit vouloir se battre alors que Ray n'a une idée en tête: fuir. Ce fils qui lui impose sa volonté dans une scène où Ray est privé de son autorité et de son choix, devant choisir entre deux enfants: pendant que son fils veut aller "voir", des fuyards bien intentionnés sont en train de vouloir sauver la fille. Scène très visuelle sur une situation terrifiante. Ray choisit la fille, plus fragile (le "fort" protège le "faible", ce qui selon Darwin distinguait l'Homme des animaux, théorie aux antipodes du courant dit du "darwinisme social" qui a détourné sa pensée et que le film fustige).
Le fils redonne au père une dignité qui lui avait été enlevée (et qu'il s'était d'ailleur enlevé lui-même, par négligeance), par une reconnaissance qui se moque de la distance des grands-parents (rupture du clivage social).
[u]Autrement dit, ce happy-end est tellement plein de sous-entendus qu'on ne peut le voir réellement comme tel[/u]. Une crainte diffuse persiste, et quand on gratte le vernis des apparences, Spielberg délivre toute son obsession par rapport aux enjeux familiaux qui émaillent son oeuvre, en laissant planer un doute.
[u]En conclusion...[/u]
Rappelons quand même que Steven Spielberg s'est spécialisé dans ses dernières oeuvres comme le spécialiste du faux happy-end (mis à part les deux avant-derniers films, plus axés sur la comédie).
Qu'on songe au final d'[b]Amistad[/b], par exemple.
Qu'on songe à la noirceur de l'éclairage dans ce qui est censé être un plan heureux dans [b]Minority Report[/b].
Qu'on songe surtout à [b]Intelligence Artificielle[/b], dont la cruauté est abominable de la première seconde à la dernière. Ce film est l'exemple type du faux happy-end. D'ailleurs, dans la liste des films qui se condensent dans "La Guerre Des Mondes", j'avais oublié celui-ci...
[b]La Guerre Des Mondes[/b] rentre dans cette catégorie.
L'agent Squeulit pensait qu'il s'agissait en fait d'une pierre de forme triangulaire