par N°6 sur 08 Mar 2004 1:54
J'ai vu le film, et j'ai adoré, j'ai ri, j'ai frémi, j'ai pleuré. Et, tout du long, je me suis emerveillé. Emerveillé de voir Tim Burton continuer d'imaginer un univers aussi baroque, aussi étrange et farfelu, tout en traitant pour la première fois de notre bas-monde, celui sans monstre et féérie... Sans féérie, notre monde ? Non, et pour la première fois, Burton s'attache à penser, à travers son cinéma, les vertus de l'imaginaire, et, à travers les histoires que l'on raconte et que l'on se raconte, les vertus du cinéma. L'homme se raconte des histoires imaginaires depuis la nuit des temps, le cinéma n'en est que la plus forme la plus moderne et la plus sophistiquée, mais le but en reste le même : transcender le quotidien. Et toute la force de ce film, c'est précisément qu'il ne renie pas notre monde au profit des géants et des sirènes, qu'il ne pense pas l'imaginaire comme un moyen d'évasion, d'échapper à un monde froid et sinistre, mais plutôt comme un moyen de métaphoriser la vie, et partant d'en comprendre le sens véritable afin d'en apprécier les plaisirs. La vie ne doit pas être reniée, et raconter des histoires, c'est justement en apprécier pleinement les bienfaits. Voilà la qualité première de "Big Fish", réflexion juste et émouvante sur le sens de la vie.
Emouvante mais jamais mélo. Tim Burton, en vrai cinéaste qu'il est, a su éviter le piège traditionnel de maints films américain, le pathos, l'hyper-sensibilité. Et plus fort encore, Burton utilise comme toujours dans ses films l'arme de destruction massive ultime, l'humour, pour traiter d'un sujet pourtant très grave, la mort prochaine d'un père. Humour et sensibilité s'allient pour donner un film qui n'est jamais sur la corde raide entre ces deux émotions, mais bien tout entier plongé dans les deux, en même temps et en symbiose parfaite. Seuls les grands cinéastes sont capables de prodiges pareils.
Et quel plaisir de cinéma que de voir tant de grands acteurs se livrer entièrement à Tim Burton, pour votre plus grand plaisir mesdames messieurs ! Approchez contempler Ewan Mc Gregor, merveilleux de candeur farouche et d'envie de vivre, Albert Finney, émouvant mais jamais pesant, et tout les merveilleux seconds rôles de rêve (c'est bien le cas de le dire d'ailleurs) de "Big Fish" : Danny De Vito, qui abandonne les pingouins au profit des loups-garous compatissants et qui nous plonge dans l'univers baroque du 'freak circus' (le cirque, qui, avant le cinéma, nous plongeait déjà dans les ravissements du spectacle, du merveilleux) ; Jessica Lange la toujours belle ; et Steve Buscemi, le poète passé gangster de pacotille.
"Big Fish" est une leçon de vie, la plus intelligente qu'il soit possible de donner, car la plus modeste. Burton a fait appel à tout son bestiaire de créatures imaginaires, toute sa force d'évocation lyrique pour nous donner la vision la plus juste, la plus simple, la plus humaine de l'existence. Après avoir vu ce film, on a envie de vivre pleinement, de se laisser aller à rêver, puisque la leçon est enfin comprise : le rêve est l'adjuvant le plus fidèle de l'existence.
Et pour répondre au débat, bien sûr, Tim Burton n'a pas écrit l'histoire, d'abord imaginée par l'auteur de la nouvelle originelle, puis adaptée par son scénariste. Mais, s'il a rejoint ce projet, c'est bien parce que l'histoire correspondait tellement à son univers, à sa sensibilité. Et Burton ne s'est pas privé pour réécrire certaines scènes, certains dialogues, voire pour en rajouter (la scène de l'accouchement par exemple). "Big Fish" est un travail d'équipe comme tous les films, et aucun des auteurs de cette histoire et des collaborateurs de Burton ne devrait être oublié. La publicité est en effet partiellement mensongère comme le dit Guigui, et personne ne devrait être dupe. Qu'importe de toute façon, car ce qui compte au final, c'est bien ce merveilleux (dans tout les sens du terme) film.
Si quelqu'un m'a compris c'est que je n'ai pas été clair.